Critique de 20ème Siècle

Allez, rendons ça public : cette forêt va être privatisée.

En langage plus familier ça veut dire qu'elle va être remplacée par de beaux immeubles et un petit parc pour montrer qu'on a laissé de la verdure.

Et pour qu'ils ne nous disent pas non-écolos, on va construire un centre de recherche à l'endroit où se trouvait le lac. Vous en pensez quoi ?

Il devrait être assez à l'écart du bruit du nouveau chemin de fer pour ne pas gêner les chercheurs. N'empêche qu'on aurait dû la creuser la colline, plutôt que de la raser : ça aurait minimiser tout ce boucan.

Ah, ces écolos ! tous des crâneurs bidons...

Et pourtant le vert, c'est has-been. Alors que le gris, ça, c'est la couleur du 20° siècle !

Matériel

Vous allez vous en manger, tout de même, du vert !

Cette couleur prédomine l'illustration de couverture de la boîte, finalement peu glamour.

Si le dos de la boîte énumère le matériel du jeu et donne un bon aperçu de la mécanique, on ne sait que trop peu à quelle sauce on va être croqué au moment de jouer.

Une bonne partie du matériel y est également présenté, mais il ne donne que bien peu d'informations sur les mécanismes du jeu. On se doute juste qu'on ne va pas rigoler avec la bécane.

De plus, cette illustration est elle aussi moyennement agréable : on ne voit quasiment que du vert, sous un fond orange. Un peu kitch, pas très 20° siècle...

Ah, si ce dernier avait pu être aussi vert qu'on nous le présente ici !

Le couvercle soulevé et le livret de règles mis pour un temps de côté, on découvre le plateau de jeu, plié en deux, sur lequel les joueurs se confronteront. Si ce dernier est de bonne qualité, il est tout de même plus fin que ceux que nous avons l'habitude de rencontrer. En fait, il est fait de la même matière que les cinq petits plateaux individuels.

Plateaux, petits et grands, mettent en avant les mêmes couleurs vertes et oranges, auxquelles s'en ajoutent quelques autres en fine touche. On ne peut pas vraiment dire que tout ceci soit moche, mais force est de reconnaître que ça reste en dessous des productions auxquelles nous sommes maintenant habitués.

Pour contrebalancer cette première impression mitigée, il faut signaler que la lisibilité semble être au rendez-vous. A l'utilisation, on se rendra compte qu'elle est parfaite et que le plateau, sans besoin d'ajouter des numéros comme c'est souvent le cas, réussit à nous faire visualiser chacune des phases du jeu, ce qui rend le jeu, dans la pratique, très fluide. Chapeau bas !

Cartes et tuiles sont elles aussi de très bonne qualité et designées pour un confort de jeu optimal. Si ça manque une nouvelle fois un peu de séduction, c'est irréprochable dans la pratique : chaque face a été judicieusement réfléchi pour donner les informations qu'il faut tout en étant très lisible et le plus joli possible, même si on n'atteint pas le nirvana.

On pourrait même dire que ça aide au thème du jeu, le 20° siècle pouvant prendre l'adjectif "rentabilité" pour décrire la pensée qui y aura prédominé.

Aucun reproche à formuler non plus sur les nombreux pions du jeu, en quantité plus que suffisantes. Une fois de plus on peut avoir quelques à-priori avant de se lancer pour s'apercevoir que la conception est idéale lors d'une partie. En effet, certains jetons peuvent sembler petits. Pour autant, ils se manient avec aisance, se voient facilement et sont très pratiques. Même les cubes déchets, pourtant bien sobres, réussissent à représenter de façon efficace la pollution que les joueurs vont générer en créant et agrandissant leur pays.

On trouvera dommage que tous ces jetons n'aient droit qu'à deux pochettes zip (le reste du matériel n'en aura pas du tout) et que la boîte propose un rangement peu adapté, en carton souple qui ne tiendra pas bien longtemps. Un conseil pour gagner du temps lors de vos prochaines mises en place : ajouter des pochettes zip et bien ranger tout ça, trié, à chaque fin de partie.

C'est donc une impression en demi-teinte que nous offre ce jeu : une présentation générale loin d'être sexy mais totalement honnête et une conception tout simplement parfaite, idéale à l'utilisation. C'est donc à mes yeux la partie la plus importante qui atteint la perfection : très encourageant pour la suite (et puis, si vous êtes fan des jeux de Martin Wallace, vous trouverez ce jeu tout simplement magnifique ;) ).

Règles

Les règles du jeu de 20° siècle se présentent en un livret de douze pages.

La première sert de mise en bouche et répète ce que le joueur aura pu lire au dos de la boîte.

Les deux pages suivantes se consacrent à la mise en place. Très détaillées et bien illustrées, elles rendent honneur au matériel en lui donnant une impression nouvelle : la chose semble déjà plus jolie.

Les six pages suivantes vont présenter chacune des six phases du jeu, la première n'en étant pas vraiment une puisqu'elle consiste simplement à mettre de nouvelles tuiles en jeu.

Les joueurs vont donc pouvoir se battre pour acheter ces dernières.

On joue d'abord aux enchères les tuiles territoires. Celles-ci s'achètent avec de l'argent et une valeur minimum oblige à dépenser, même quand on est le dernier joueur en lice.

Lors d'une enchère, on peut surenchérir ou passer. Mais on peut aussi quitter l'enchère.

Ce faisant, on ne pourra plus acheter de tuiles territoire pour ce tour-ci mais on peut alors acheter une tuile technologie, contre des points de technologie. Le coût à payer est dégressif : il y a un coût initial, qui diminue à chaque achat de tuile territoire. Plus vous quittez tôt les enchères et plus vous aurez de choix lors de l'achat de votre tuile technologie, mais plus il vous faudra payer. Le dernier joueur en lice dans la phase d'enchère peut acheter toutes les tuiles territoires restantes au prix minimum.

Mais la chose ne se fera pas forcément, car plus vous construisez rapidement et plus vous polluez : la première tuile territoire achetée lors d'un même tour vous arrive avec un cube "déchet", la seconde en aura deux, la troisième un de plus et ainsi de suite...

Et vous vous doutez bien que moins vous aurez de déchets, mieux cela se passera...

Les tuiles apportent de l'argent, des points de technologie, des points de victoire ou des centrales permettant de recycler les déchets.

Chaque tuile territoire arrive en jeu avec un marqueur ville, que vous posez sur une ville de la tuile (qui en a généralement deux, très rarement une). A quoi sert ce marqueur ? c'est simple : vous ne remportez que les bonus des villes ayant un marqueur sur elles.

Les tuiles technologies apportent toutes sortes de bonus. Quelques exemples : un marqueur ville supplémentaire, des centrales améliorant le rendement des villes, des trains qui permettent de déplacer vos marqueurs villes, en respectant les voies que vous avez réussies à connecter en posant vos tuiles les unes à côté des autres.

Car il vous faudra bien réfléchir sur ce positionnement. En effet, les centrales de recyclage ne peuvent se débarrasser que des déchets de la tuile sur laquelle elles se trouvent ou sur celle d'une tuile adjacente, si cette dernière est reliée à elle.

A la fin du tour, tous les joueurs gagnent autant d'argent que leurs villes avec marqueurs en produisent. Idem pour les points de technologie et les points de victoire.

Les plateaux personnels permettent de tenir tout ceci à jour plus facilement.

Ils permettent aussi de tenir à jour la qualité environnemental de votre pays. Selon le placement final du marqueur sur l'échelle vous gagnerez ou perdrez pas mal de points (ou pas) en fin de partie.

Mais comment faire pour avoir une bonne qualité environnementale ?

En ramenant vers vous des tuiles technologie qui vous apportent un peu d'oxygène, représenté par une fleur.

A l'inverse, une tête de mort indique que la qualité de vie se dégrade. Et souvent, ce sont les tuiles les plus intéressantes qui vous apportent ça (quand elles ne donnent pas de nouveaux déchets à traiter).

Après l'acquisition des tuiles et avant de les ajouter à votre cartographie du pays, vous aurez droit à une phase de "prévention des catastrophes".

Sur un système d'enchères proche de ceux de Evo, Amun Re ou encore Cyclades, vous allez vous battre pour tenter d'obtenir la catastrophe la moins gênante. Il y en aura une pour chacun à la fin. Et bien entendu, la moins ennuyante (ne donnant souvent aucun malus) aura coûté le plus cher. Les autres donneront des "têtes de mort" ou des déchets supplémentaires aux joueurs.

Et tout ceci se paie en points de technologie, avant d'en récupérer et après en avoir éventuellement dépenser lors de l'achat des tuiles technologie.

Vous commencez à voir le topo ?

Réussir à équilibrer la production des deux différentes ressources servant de monnaie tout en prenant des points de victoire et en gérant au mieux la pollution, qui en fin de partie enlève des PV ou empêche d'en obtenir : bâtir tout un pays n'est pas donné à tout le monde.

Car les déchets ne sont pas à prendre à la légère : une tuile vide de ces jetons en fin de partie octroie des PV bonus, dont la valeur varie selon son placement final sur l'échelle environnementale. Un déchet sur une tuile lui donne une valeur nulle et chaque déchet supplémentaire occasionne la perte sèche de 5PV.

De plus, pour chacune des deux "monnaies", les joueurs gagneront plus ou moins de points selon qu'ils soient plus ou moins riches que leurs adversaires. Ainsi, on ne néglige pas ces dernières en fin de partie et les enchères continuent à garder toute leur intensité.

Des décomptes intermédiaires sont également proposés lors des tours deux et quatre sous forme de cartes tirées au hasard en début de partie (mais connues de tous).

Aux joueurs de les prendre en compte pour maximiser leurs chances de l'emporter.

Il était difficile d'être plus concis pour vous expliquer grosso modo les mécanismes du jeu.

Ils sont simples et apportent une grande profondeur au jeu. De plus, comme dit précédemment, le plateau de jeu les rappellent avec une aisance étonnante.

Et si le livret de règles ne possède pas de récapitulatif ou qu'aucune aide de jeu n'est présente, vous ne devriez pas avoir à y retourner. Et au besoin, le chapitrage exemplaire vous permettra de trouver rapidement réponse à votre question.

Ai-je besoin de préciser que toutes les tuiles spéciales sont expliquées au cas par cas ?

Durée de vie

20° siècle est un jeu pour joueurs.

Ses règles se digérant facilement, les personnes n'étant pas les plus passionnées par ce que nous appelons les "gros jeux" pourront y prendre part en s'amusant réellement.

Le jeu fonctionnant principalement sur des systèmes d'enchères, auxquels de petits twists sympa ont été ajoutés pour que le jeu se différencie de ses compères utilisant les mêmes mécanismes d'enchères, il est forcément équilibré. Toute tuile moins intéressante que ces copines sera normalement achetée moins chère.

L'argent est nécessaire en début de partie afin de pouvoir s'acheter les tuiles territoires de son choix. La recherche peut sembler moins puissante mais elle est utile tout du long de la partie, un joueur tablant massivement dessus n'ayant aucun problème de pollution et pouvant embarrasser les autres joueurs sur ce point, surtout s'il parvient à monopoliser un maximum des tuiles possédant des centrales de recyclage : il rattrapera son retard de PV lors du décompte final, pouvant facilement passer devant....

Bref, tout est viable et envisageable.

Et quand vous en viendrez à bien maîtriser la valeur des choses, il vous restera encore à bien gérer les deux décomptes intermédiaires et d'adapter votre stratégie en fonction de ces derniers (au total, ce sont 9 départs différents qui sont possibles).

Le caractère semi-aléatoire des tuiles et des catastrophes à gérer apportera également du renouveau au jeu.

C'est déjà très bien comme ça, mais on rêve déjà à de nouvelles cartes de décomptes intermédiaires ou à une petite extension venant encore complexifier le jeu ou l'enrichir de nouvelles contraintes ou façon de marquer des points.

Et ça, le jeu peut l'envisager, même si ça ne semble pas d'actualité à l'heure actuelle .

Avis de la rédaction

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Une boîte moyennement belle et tirant sur l'orange. Des tuiles à acheter aux enchères. Des plateaux individuels. Un jeu pas super beau mais hallucinemment bon. Non, je ne vous parle pas de Goa (la référence est celle de la première version du jeu et non celle de Filosofia, pas encore sortie à l'heure où ces lignes sont écrites) mais bel et bien de 20° siècle : un jeu qui pourrait bien lui aussi être apprécié de tous mais qui aura eu du mal lors de sa sortie à se faire apprécier à sa juste valeur. Ah, ces jeux incompris qu'on ne découvre qu'au moment de leur mort. Il serait dommage d'en arriver là, alors, profitez-en tant que le jeu figure encore au catalogue de Iello...
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