Critique de Endeavor

ENDEAVOR : Commerce et expansion au 18ième siècle. Sous ce titre qui fera vibrer votre âme de conquérant/développeur/commerçant, se cache un nouveau jeu sorti chez un éditeur qui fait maintenant souvent parler de lui pour la qualité de ses jeux, à savoir Z-Man games. Ah ! Si on vous pose la question, vous pourrez répondre que Endeavor était le nom du navire commandé par le célèbre navigateur britannique James Cook (1728-1779)...oui, c'est beau la culture.

Bénéficiant d'une traduction et sorti en France dans la gamme Ystari plus, ce jeu de Carl de Visser et Jarret Gray connaît semble-t-il un beau succès. Jedisjeux vous invite donc à examiner à la loupe cet Endeavor qui fait tant parler de lui.

Matériel

Endeavor contient un matériel somme toute assez classique aujourd'hui, mais de bonne qualité. Tout d'abord, on découvre un plateau qui sera posé au centre de la table, et qui représente l'Europe (dont les villes sont pour l'instant inoccupées) et 6 régions du monde destinées à être colonisées. L'ensemble, au prime abord, a un aspect un peu étrange car les régions ont été découpées et "collées" les unes à coté des autres, sans doute pour éviter d'avoir un plateau immense. A noter que la même astuce fut utilisée dans Struggle of Empire, qui porte d'ailleurs exactement sur le même thème. Nous avons donc une carte simplifiée du monde, pas à l'échelle, mais on s'y fait vite. Cependant, les couleurs sont un peu tristounettes et le graphisme va à l'essentiel, sans doute pour les besoins ergonomiques du jeu.

Nous avons aussi des plateaux individuels, sur lesquels figurent principalement des échelles de progression (on pense par exemple à Goa) dans 4 domaines différents (Construction, Culturel, Financier, Politique) ainsi que des espaces pour y poser des bâtiments (et on pense à Puerto Rico), et même des cartes (non, là, on pense à rien de précis). Vous trouverez encore dans votre boîte des tuiles bâtiments (Ateliers, chantiers navals, docks, casernes, marchés, banques, etc...), des jetons ronds dits "de commerce", des marqueurs ronds en bois dits "de population", des cartes "Actifs", quelques cubes en bois, et un marqueur premier joueur (une ch'tite couronne...me demandez pas pourquoi).

Les jetons de commerces et les cartes représentent surtout des petites icônes dont la signification est facile à retenir. Les tuiles bâtiments sont correctement illustrées. A noter la présence de jetons de score dont l'utilité laisse dubitatif, vu que les "Points de gloire" sont calculés uniquement à la fin de la partie...en tout cas, par chez moi, personne ne s'en sert.

L'ensemble du matériel est donc plutôt agréable et fonctionnel, seul le plateau principal est quand même un peu austère. De plus, si pour les nuls en géo, sont indiqués les noms des différentes régions du monde à coloniser (pourtant très faciles à reconnaître), il manque les noms des différentes villes représentées, ce qui n'aurait pas été plus mal pour rendre le thème un peu plus présent, mais nous parlerons de cela plus loin.

Règles

Vous trouverez dans votre boîte d'Endeavor un livret de règles de 12 pages, agréable à lire, avec de nombreuses illustrations et exemples. Les phases d'un tour de jeu sont parfaitement décrites, ainsi que les icônes et les effets des bâtiments. Sur ce point, et encore une fois, il n'y a rien de bien compliqué à assimiler et c'est à souligner, tant parfois certains jeux noient les joueurs dans une iconographie excessive.

Un tour de jeu (et il y en aura 7 au total) se décompose de 4 phases. La première phase consiste, pour chaque joueur et en respectant l'ordre de tour, de construire un bâtiment, le "niveau" de ce bâtiment pour un joueur dépend de la position de son curseur sur la ligne "Construction". La deuxième phase, celle de la "Croissance", permet à chaque joueur de rajouter dans sa réserve active des jetons de population, chacun selon sa progression sur la ligne de "Culture". La troisième phase est celle des "Salaires", ou chaque joueur, suivant son niveau sur la piste financière, peu retirer des jetons de population poser sur des bâtiments au tour précédent, condition sine qua non pour pouvoir les réactiver dans ce nouveau tour...les connaisseurs de Puerto Rico remarquerons ici la différence : pour réactiver un bâtiment, il faut d'abord l'avoir désactivé.

La quatrième phase est la plus longue, puisque c'est celle des actions : A son tour, chaque joueur réalise une action, puis la phase continue et se termine lorsque tous les joueurs ont passé. En fait, le nombre d'actions d'un joueur dépend surtout du nombre de ses marqueurs population et des bâtiments qu'il peut/veut activer. En effet, chaque action peut être effectuer soit en activant un bâtiment, soit en jouant un jeton bleu action.

Par ce biais, un joueur peut "Affréter" (prendre une place d' une piste de fret), "Occuper" (prendre possession d'une ville), "Attaquer" (prendre par la force une ville déjà occupée par un adversaire), "Payer" (désactiver un bâtiment pour pouvoir éventuellement le réactiver dans le même tour), "Piocher" (prendre une carte sous certaines conditions précises, un peu trop longues à expliquer ici...retenez que l'on prend pas les cartes comme on veut quoi...), "Passer" et vérifier si vous respectez votre limite de cartes possédées (suivant votre curseur sur la ligne "Politique").

A part l'action "Passer", les autres actions se font soit en activant un bâtiment, soit en jouant un jeton action (les jetons bleus). Ces jetons, comme les jetons de commerce, sont récupérés quand vous jouez "Occuper", "Affréter" et parfois "Attaquer". Ils vous font progresser sur les lignes de progrès, comme certains bâtiments au moment de leur construction, et surtout comme les cartes récupérées en Europe ou dans les colonies. A propos des cartes, celles de "L'esclavage" (Hooooooooouuuuuuuuuu !) peuvent être perdues (et vous perdez alors sur les lignes de progression les avantages qu'elles vous apportaient...et c'est bien fait !) si la dernière carte de la pioche Europe ("Abolition de l'esclavage") est prise par un joueur...et en plus, une fois défausser, elles vous feront perdre des points à la fin ! Vous serez punis j'vous dis !

Les 7 tours terminés, la partie est finie et on compte les points : Les villes, les routes commerciales, la position de vos curseurs de progrès et certaines cartes seront vos principales source de points (avec quelques autres possibilités moins importantes). Contrairement à ce que certains joueurs pensent, on ne comptabilise pas les jetons commerce récoltés (ils ont déjà rapportés des points sur les lignes de progrès)...non, non, n'insistez pas, les règles sont précises sur ce point !

En résumé, nous avons là un jeu de placement/gestion/développement, avec un mécanisme très simple pour les combats, ces derniers pouvant être importants surtout dans les deux derniers tours. Les règles sont donc peu complexes, et vous pourrez "entrer" rapidement dans le jeu dés votre première partie.

Durée de vie

Je pense que Endeavor est le type de jeu dont on peut certes se lasser, comme tous les jeux, mais seulement après y avoir beaucoup joué.

Tout d'abord, une partie ne peut ressembler à une autre, en raison de la disposition aléatoire des 95 ( !) jetons de commerce sur le plateau de jeu. Les jetons bleus, qui permettent des actions en économisant de la population sont évidemment assez recherchés ; Ainsi, si le hasard de la mise en place en a disposé deux ou trois sur la piste de fret d'une colonie, on peut raisonnablement penser que celle-ci sera rapidement "ouverte".

Les colonies apportent, par les cartes, des avantages différents : elles sont plus ou moins "spécialisées", et comme on peut difficilement être présent partout, cela influencera vos choix de développement.

Enfin, le choix des bâtiments par un joueur (et l'ordre dans lequel il les construit) influe beaucoup sur sa façon d'agir. Notez que le nombre de bâtiments diminue selon leurs niveaux (Par exemple, l'Atelier, de niveau 1 est présent en cinq exemplaires, mais le Cartographe, de niveau 4, est disponible en deux exemplaires...de plus, un joueur peut posséder plusieurs exemplaires du même bâtiment !), d'où une concurrence non négligeable des joueurs dans la phase construction.

Concernant les configurations, le jeu est prévu pour être jouable de 3 à 5, mais Ystari à conçu une variante pour y jouer à 2, et apporté un petit correctif pour "tendre" un peu plus le jeu à 3 joueurs. Personnellement, je préfère y jouer à 4 ou à 5, même si j'ai assisté il y a peu à deux parties configurations 3 joueurs jouée en même temps, et les 6 joueurs, que l'on pourrait classer dans la catégorie "gamers", en ont tous été satisfaits.

Le déroulement d'une partie peut déstabiliser certains joueurs qui découvrent Endeavor : en effet, les premiers tours sont assez limités en actions possibles, et c'est seulement ensuite que les capacités d'agir prennent de l'envergure. Les trois derniers tours sont plus longs et souvent intenses, avec de nombreux affrontements directs à la clef.

Enfin, chaque partie à une durée plutôt raisonnable, si bien qu'il n'est pas rare de voir des joueurs jouer deux parties d'affilées, avec à l'esprit : "Cette fois, je vais commencer avec tel bâtiment plutôt que celui là !".

Alors tout ça, c'est très bien, mais il faut quand même émettre une certaine réserve concernant l'immersion dans le thème, ce qui est toujours un peu dommage pour un jeu de ce type.

En effet, les joueurs incarnent des puissances anonymes (Non, non, pas d'anglais, français, espagnol ou autres portugais), qui occupent des villes anonymes, et les conflits se résument à remplacer un marqueur par un autre. Pas de combats épiques à l'horizon, pas de grandes découvertes ou de voyages pleins de dangers et de mystères. Chose étrange, alors que le sous-titre du jeu parle d'expansion et de commerce au 18ième siècle, en dehors du sentiment d'expansion, on ne commerce rien du tout (pas d'achat ni de vente). Quand au 18ième siècle, on cherche désespérément la présence des perruques, dentelles et beaux uniformes colorés, et on est bien loin du panache d'un "Tirez les premiers messieurs les anglais". Reste la colonisation et la triste réalité de l'esclavage qui rappellent l'époque que nous sommes sensés revivre, mais le tout reste quand même assez abstrait. Pour vous donner une idée, Age of empire III, jeu dont le thème et la difficulté des règles sont assez proches d'Endeavor, est à mon avis un brin plus thématique.

Le conseil de Jedisjeux

Il faut choisir avec soin vos bâtiments. C'est vraiment une phase à ne pas prendre à la légère, car vous ne pourrez en choisir que 7 pour toute la partie, à raison de 1 par tour. Avoir des bâtiments pour "Affréter" et "Piocher" semble indispensable, de même qu'il est préférable d'avoir un bâtiment pour la guerre. Certaines constructions apportent des avantages immédiats, mais plus rien pour la suite...il faut donc chercher un équilibre avec les bâtiments à activer.

Veiller à avoir un développement conforme à vos capacités d'actions. Ainsi, avoir peu de population et en plus être faible en salaire alors que vous possédez de nombreux bâtiments à activer est clairement maladroit, de même qu'avoir la possibilité de piocher de nombreuses cartes, mais avoir un développement politique faible.

Militairement, il faut se montrer agressif au bon moment. Examinez attentivement les plateaux individuels de vos adversaires pour évaluer les possibilités de chacun de répondre à vos attaques.

Lors de vos placements initiaux dans les villes européennes, pensez aux routes commerciales présentes...et futures. Etablir une route commerciale permet de s'emparer de plusieurs jetons en même temps (le plus souvent 2), mais aussi rapportent une quantité de points non négligeable en fin de partie.

On ne peut être partout à la fois. Lors de votre premières partie, examinez attentivement les cartes présentes sur les colonies, et fixez vous quelques objectifs : Les cartes à points de gloire, ou bien celles qui donne beaucoup de culture, etc….

Sept tours, ça passe vite et les actions sont précieuses...n'oubliez pas de vous emparer de jetons bleus pour agir un peu plus souvent que certains de vos adversaires.

Une grosse quantité de points s'obtient grâce aux lignes de développements. Essayez autant que possible de franchir la barre des cases comportant un 9.

L'esclavage est certes un moyen de se développer rapidement, mais en cas d'abolition, patatrac ! vous risquez de reculer sur beaucoup de lignes. Aussi, veillez à ce qu'aucun de vos adversaires ne parvienne à obtenir 5 villes en Europe (condition pour pouvoir éventuellement piocher la carte Abolition) sinon la sanction (qui serait bien méritée) peut être sévère.

Avis de la rédaction

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Endeavor rassemble des qualités suffisantes pour attirer les joueurs confirmés comme des joueurs un peu plus occasionnels. Très fluide, Il propose à chaque joueur différents défis : Bien se positionner sur le plateau, saisir les bonnes opportunités, développer et gérer ses capacités d'action, choisir avec habileté et au bon moment certains bâtiments, etc... et tout cela avec des règles relativement simples. De plus, l'interaction entre les joueurs, tantôt directe, tantôt indirecte, est parfaitement dosée. Nous avons donc là un jeu plutôt "poids moyen", sans mécanismes révolutionnaires certes, mais bien conçu. En revanche, et vous l'aurez compris, le thème du jeu est quand même assez en retrait ; C'est un peu dommage car il manque à Endeavor ce petit coté épique (qu'il pourrait avoir avec une thématique pareille !), qui fait que chaque partie laisserait un souvenir particulier. Ses mécanismes et l'aspect un peu "technique", à "ouverture", prennent un peu le dessus sur l'historicité, l'aventure, et le "fun" comme disent certains...mais cela mis à part, Endeavor est un bon jeu, dont on enchaine les parties avec plaisir, et c'est cela le plus important.
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Endeavor est selon moi un très bon jeu, qui effectivement mérite de rencontrer le succès qui est actuellement le sien. Mais il faut aussi relativiser. Car si le jeu est bon, qu'il est un des très bon de l'année écoulée, il n'arrive selon moi pas à bousculer les cadors du genre car son design est assez terne, sa mise en place un peu longue et sa richesse plus légère. Il n'empêche qu'on n'en fera pas le tour de suite et que son rapport qualité / investissement à donner est des plus élogieux. Pas trop long, pas compliqué à expliquer, Endeavor a donc tout de même de bons atouts pour satisfaire ses joueurs.
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Endeavor est une très bon jeu, mais qui demande plusieurs parties pour être apprécié. La première partie aura le goût amer d'un jeu avec un gros potentiel qu'on n'a fait qu'entrevoir. Elle suffit à comprendre les mécanismes mais vous aurez beaucoup de mal à saisir les enjeux de chacun. C'est un jeu plein de subtilité, ou vous devrez non seulement prévoir vos coups à l'avance et compter vos colons pour être sûr de pouvoir faire vos actions, mais aussi faire attention aux plateaux adverses car ils ont de grandes chances de vous mettre des bâtons dans les roues. Les trois premiers tours passent très rapidement, ce sont des tours ou on fait peu de choses et ou on essayera surtout de ne pas trop prendre de retard par rapport aux autres joueurs. Il est assez difficile de se démarquer pendant ceux-ci, et la partie se jouera certainement sur les trois derniers tours. Ne sou-estimez pas la puissance des jetons action (jetons bleus à récupérer sur le plateau), ils sont très intéressants car ils ne vous coûtent aucun colon à activer. Un dernier point, être dernier joueur à 4 ou à 5 sera assez handicapant, essayez de donner cette position au joueur qui a déjà joué, ou qui gagne habituellement les parties, ça ne l'empêchera pas de gagner, ce sera juste un tout petit peu plus dur pour lui puisqu'il n'aura qu'un choix réduit d'emplacements sur le plateau. Si vous êtes dans ce cas là, votre premier bâtiment devrait probablement être celui avec l'action "affréter", car les villes d'Europe risquent d'être très convoitées par les autres joueurs.
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