Offrandes est le premier jeu d'un nouvel acteur du monde ludique : Ludonaute.
Distribué par Millenium, le jeu devrait se trouver facilement à sa sortie.
Mais quand on ne connait pas bien un auteur, un éditeur, on est parfois frileux de s'essayer à leurs jeux...
et c'est ainsi que l'on peut rater des perles ludiques.
Je ne sous-entends pas que c'est le cas de ce jeu, n'y ayant pas encore joué (je compte bien corriger ce point à sa sortie), mais quand on en connait l'histoire, tout porte à croire que la qualité est au rendez-vous.
De quelle histoire suis-je entrain de parler ?
Eh bien, pour bien vous la raconter, j'ai préféré demander directement à la personne la mieux placée pour le faire : Cédric Lefebvre, auteur et éditeur d'Offrandes.
L'origine
Offrandes est un jeu dont les origines remontent à l'hiver 2006.
A l'occasion des fêtes de fin d'année, mon beau-frère, qui s'est lancé dans la micro-brasserie, crée un jeu sur le thème de la fabrication/ distribution de la bière qu'il souhaite vendre sur les marchés de Noël avec ses bières.
Le jeu porte le nom de sa boîte : « La pépinière des brasseurs ».
50 exemplaires sont fabriqués à la main dans un garage en quelques semaines.
Pendant les vacances, j'ai enfin l'occasion de tester le jeu (ma belle-famille étant en Bretagne, je ne les vois que deux fois par an) et là: grosse déception.
Le jeu de Nicolas, mon beauf, respecte parfaitement le thème de la bière mais au niveau de la mécanique, il est complètement bugué.
Au final, je crois qu'il en vendra 4 en tout et pour tout...
Nicolas est un joueur qu'on peut ranger dans la catégorie des "casual", et « La pépinière » était une idée marketing plutôt qu'une recherche ludique poussée.
Il contenait cependant plusieurs bonnes idées, notamment celle de prendre des parts de marché en proposant plus ou mieux.
Je rentre chez moi, début 2007, avec un exemplaire de « La pépinière des brasseurs » sous le bras et avec l'envie de l'améliorer...
Avant cette date (2007 ndlr), je n'étais pas un créateur de jeux à proprement parlé. J'ai bricolé, dans mon enfance, des blood ball, des prototypes dans l'univers des Chevaliers du zodiaque ou de Dragon Ball Z mais jamais rien de bien abouti.
Je suis un gros joueur de jeux video pour commencer mais aussi de jeux de rôles, un peu comme tous les trentenaires.
J'ai côtoyé les jeux de plateau très tôt (Full metal planet, Blood ball, Super Gang, La fureur de Dracula...) et après une pause d'une dizaine d'années, je m'y suis remis...
Une multitude de changements
Le jeu de mon beauf a vraiment été un élément déclencheur.
Je crois que depuis 3 ans, je ne passe pas une semaine sans avoir de nouvelles idées de jeux. Pour en revenir à « La pépinière », il s'agissait au départ d'un jeu de gestion de ressources (blé, orge, houblon, eau) et de placement.
Il était relativement lourd et long.
J'ai donc procédé à quelques modifications.
Le jeu qui se déroulait au départ en Bretagne s'est déplacé en Allemagne.
Sont apparus des personnages pour désigner les actions : livreur, brasseur, banquier, agriculteur, huissier qui sont les ancêtres des personnages présents dans « Offrandes ». Les bières à livrer étaient de 3 types : blondes, brunes ou rousses (ancêtres des animaux que l'on sacrifie à « Offrandes »).
Très vite, le jeu gagne en rapidité, même si je me rends compte qu'il reste encore trop lourd.
Très motivé, j'envoie une règle pour le concours de créateurs de Boulogne, puis en juillet 2007 un prototype, que j'appelle « La guerre des brasseurs ».
Il n'est évidemment pas retenu pour la dernière phase.
Entre-temps la fièvre de la création m'a pris et j'imagine de nombreux autres jeux, certains valables, d'autres complètement loufoques.
Olympys...
Un peu déçu par le résultat du concours, je décide de changer le thème qui commence à m'ennuyer et que je ne trouve pas très sexy.
J'opte pour la Grèce antique et les offrandes dans les temples.
L'idée d'enchères apparait et après quelques semaines de travail le jeu se trouve complètement modifié.
Le matériel change également; les tests se succèdent.
« La pépinière des brasseurs » devient « Olympys »...
...puis Offrandes pour Troie
Lors du festival de Cannes 2008, je présente mon prototype sur le off.
Cyril Demaegd y joue et semble intéressé par le jeu.
Je lui laisse un prototype de ce jeu qui me semble aller parfaitement dans la gamme Ystari.
Plusieurs mois passent sans beaucoup de nouvelles, mise à part la vague idée d'une coédition Ystari/Matagot.
Pour moi, le jeu est abouti au niveau de la mécanique, il faut juste le régler pour jouer à 3 ou à 5.
Je renomme « Olympys » « Offrandes pour Troie » en décidant de placer l'action du jeu avant le départ des cités grecques pour la guerre de Troie.
Shaïr
Les deux éditeurs proposent un changement de thème afin de ne pas trop faire doublon avec « Cyclades » qui est alors en préparation.
Je change l'univers d' « Offrandes pour Troie »» pour celui des mille et une nuits.
Il s'agit d'offrir des pierres précieuses à différents génies afin d'acquérir la plus grande puissance magique.
Le jeu se nomme dorénavant « Shaïr ».
Au festival de Cannes 2009, une nouvelle rencontre avec Cyril et Hicham a lieu, sans beaucoup d'avancées mais toujours l'espoir de voir le jeu édité.
« Shaïr » tourne sur le off et reçoit un bon accueil.
Je rentre de Cannes 2009 avec l'envie de m'investir encore plus dans le milieu du jeu.
Ayant deux autres jeux que je considère éditables sous la main, je décide avec ma compagne de me lancer dans l'aventure de l'édition.
En route pour l'auto-édition
Au départ, je ne pense pas éditer « Shaïr » car pour moi il est en voie de l'être ailleurs.
Les démarches administratives, la prise de contact et de renseignements durent plusieurs mois pendant lesquels « Shaïr » reste dans le placard.
Ayant décidé finalement d'axer ma ligne éditoriale sur des jeux pour « gros » joueurs et n'ayant pas de nouvelles de Cyril, je me repenche sur « Shaïr » en août 2009 et décide que ce sera le premier jeu de Ludonaute.
Je reprends le thème de la mythologie grecque que je trouve plus adapté à la mécanique d'enchères.
Si la mécanique du jeu est aboutie, il a fallu travailler sur le matériel.
Les contraintes de jouabilité, d'esthétique, de budget m'ont fait réfléchir à la physionomie du jeu.
A la place des plateaux individuels sur lesquels étaient posés des marqueurs, je conçois des plateaux communs qui retracent les scènes du jeu.
Les pions personnages sont remplacés par un lot de sept cartes.
Tout s'enchaîne finalement assez vite.
Quelques points de détails sont modifiés à l'automne : l'ordre du choix des personnages de départ et l'ordre de la corruption.
Après presque trois ans d'évolution, « Offrandes » est finalisé...
et puis finalement...
On est très loin du jeu initial.
Les illustrations de Pierô lui donnent enfin une certaine esthétique.
C'est la fin d'une longue recherche, d'un parcours plein de rebondissements dans le milieu ludique et le début, je l'espère, d'une longue vie pour « Offrandes » et pour Ludonaute.
Offrandes sortira en exclusivité à Cannes et sera ensuite disponible en boutique à la mi-mars.
Le prix conseillé est de 35 euros.