Critique de Burdigala

Grouillez-vous les mecs, on doit construire une palanquée de monuments à la gloire de Rhum. Non, de Rome. Vu qu'on est en 56 avant le Christ et qu'on doit pas y mettre 107 ans, si Jésus et son père le charpentier viennent nous prêter main forte, ça sous-entendra qu'on est un peu à la bourre, dis, les gars là !

Je sens d'ailleurs que cette prime à celui qui pose les dernières pierres et à ceux qui trainent dans le coin à ce moment là, ça va nous provoquer un de ces retard ...

Quel dommage, car si on termine à temps, on aurait droit à un bon Bordeaux, mais vu comme ça avance et comme j'ai de la bouteille en jeu de cubes, je crois bien que de ce coté là, ça va être vain...

Matériel

L'illustration de couverture de Burdigala donne de suite une ambiance cartoonesque au jeu, le dessin faisant assez "BD", semblant même faire un petit clin d'oeil à Astérix et son architecte égyptien incapable de bâtir des monuments correctement. On repère même un personnage avec un verre de rouge à la main : le bordeaux méritait lui aussi qu'on lui fasse de l'oeil.

Si, comme on est accoutumé, les indications d'âge conseillé, de durée et de nombre de joueurs figurent sur la tranche et le dos de la boîte, elles sont également intégrées sur cette couverture, qui pourtant très aérée, n'oublie pas de citer également l'auteur du jeu (il faudra retourner la boîte pour connaître le nom de celle qui tient les pinceaux).

Au dos, nous retrouvons une introduction au jeu, essentiellement thématique. Pour ce qui est des mécanismes, il faudra soulever le couvercle pour en savoir plus que les quelques indices posés ici : photo et énumération du matériel, précision des langues proposées dans la règle du jeu.

Et il y en a cinq, dont le français bien entendu, regroupées en un épais livret de 28 pages.

Sous ce dernier, un plateau de jeu, plié en quatre, de bonne qualité et aux graphismes réussis, en accord avec ceux décrits plus haut, qui cache le reste du matériel.

On découvre alors des cubes en bois, gris, représentant la pierre qui va nous permettre d'ériger nos bâtiments, représentés par des tuiles circulaires ayant chacune sa propre illustration.

Des meeples, pions en bois de forme humanoïde, serviront de pions personnages. Enfin, des jetons circulaires (les pions "corruption") et carrés (points de victoires supplémentaires) complètent le contenu.

... mais il reste les cartes aussi. De deux types différents, elles vont dynamiser le jeu et lui ajouter de l'interaction (même si, vous le verrez plus loin, les mécanismes en créaient déjà pas mal). Les premières sont des cartes marchandises (plus vous en aurez et plus elles vous rapporteront en fin de partie... enfin, si vous avez les bonnes) et les autres des cartes intrigue, qui pourront soit vous aider durant la partie, soit mettre des bâtons dans les roues des autres joueurs ou encore vous faire gagner davantage de points de victoire.

Leur format et leurs illustrations sont réussis. On regrettera juste ce manque d'aspect "toilé" que les joueurs apprécient tant, mais c'est pour chercher la bête, là.

Vu qu'à chacun de ses tours on lance deux dés, vous vous doutez que ceux-ci sont également inclus.

Voilà, il ne manque rien, tout est prêt pour démarrer une partie.

Ce matériel est de très bonne facture et le design donne envie de l'utiliser. Voyons donc ce que tout ça donne dans la pratique, justement...

Règles

Inutile de tourner les pages pour trouver la langue qui nous intéresse : la règle française se trouve en pôle position. Et si le livret est épais, vous n'avez que les pages 4 à 7 à lire pour savoir jouer. Chacune d'elle est bien expliquée, dans un très bon français et est accompagnée de nombreuses illustrations : au regard, c'est très agréable.

Si certains points de règles, lors de la partie, nécessitent précision, l'éditeur a pensé à mettre une FAQ à la page 24 de son livret : jusqu'ici, tout semble parfait.

On notera cependant que les précisions ne sont pas toujours apportées au bon endroit pour aider à la clarté des règles (par exemple, la définition du mot "quartier" est donnée ailleurs qu'au seul endroit où celui-ci est utilisé, c'est à dire lors de l'obtention des jetons bonus).

Pour ce qui est du jeu en lui même, mécaniquement, il est simple, très simple. L'idée de l'auteur est de venir greffer plein de petits cas particuliers pour enrichir le jeu. Et il y parvient sans rendre le tout indigeste. Voyez vous-même : après la phase de mise en place dont nous vous épargnons la description, lors de son tour, on se limite à jeter deux dés à six faces et de déplacer un de ses pions d'un nombre de cases identique à celui figurant sur un des deux dés, selon sa préférence. Bien entendu, déjà, il y a plusieurs chemins, et si on se pose prêt d'un chantier, on peut alors accélérer sa construction en plaçant un cube pierre dessus et en gagnant de suite autant de PV que de pierres manquantes.

La dernière pierre ne rapporte donc rien, mais elle octroie les points accordés par le bâtiment, ce qui est plus lucratif. Le nombre de points remporté est plus important, de manière générale, quand le bâtiment demandait davantage de pierres. Parfois, il donne une capacité à la place ou en plus des points gagnés. Quelques quartiers possèdent des jetons bonus accordant des PV de plus au joueur terminant le premier monument de ce quartier. Mais ce n'est pas tout, car l'auteur est filou et pour que l'interaction soit plus forte, lors de l'achèvement d'un monument, les joueurs piochent une carte Intrigue pour chacun de leur pion se trouvant à proximité du bâtiment (excepté celui ayant posé la dernière pierre). Ces cartes vont donner divers pouvoirs et capacités, voire même des PV en fin de partie selon tel ou tel critère.

Bien intéressantes, leur quantité est cependant limitée à trois par joueur tout du long de la partie, et il faudra parfois - peut-être - faire des choix.

Les autres cartes sont les cartes "marchandises". La façon la plus simple de les obtenir est de se trouver sur un des ports du plateau. Il existe 5 types de marchandises, et les joueurs devront tenter d'en avoir autant de chaque pour maximiser les gains de PV que celles-ci procurent en fin de partie. Mais autant le préciser de suite : chacune n'est pas aussi facile à avoir. En effet, ces denrées sont présentes chacune en 2,3,4,5 et 7 exemplaires. Bien entendu, selon sa pioche, on se focalisera ou pas sur ces cartes, et on s'appuiera sur les cartes Intrigue permettant d'aider cette stratégie ou, au contraire, ces dernières seront écartées au profit d'autres en cas de limite de cartes en main dépassée.

On vous aurait déjà tout expliqué si l'auteur n'avait pas ajouté deux petits cas particuliers.

Le premier, tout d'abord précise que si votre lancé vous donne un double, ayant alors moins de choix pour votre déplacement, vous aurez droit à utiliser les voies maritimes et même à terminer votre déplacement sur une case occupée, quitte à en déloger son occupant. Vous aurez même droit à rejouer un tour entier si vous le souhaitez, mais vous devrez alors prendre un jeton corruption, que vous garderez face cachée après l'avoir consulté et qui vous donnera des points de malus en fin de partie (et peut-être d'autres, car le joueur le plus corrompu en fin de partie verra son malus augmenté de 5 !).

De même, si la somme de vos dés est égale à 7, vous pouvez en plus de votre déplacement et de votre pose de pierre (ou de votre pioche de carte marchandise si vous êtes dans un port) prendre un jeton corruption pour poser une seconde pierre sur le même monument ou pour piocher une carte marchandise.

La partie prend fin dès que le dernier monument est construit.

Au final, sans être entièrement anarchique, le jeu parvient à donner une bonne dose d'interaction (cartes Intrigue, nombre de jetons corruption possédés et placement des pions) et de tactique tout en restant familial, fun et donc, légèrement chaotique. Un dosage fait aux petits oignons qui laisse un goût bien agréable en bouche.

Durée de vie

Les jetons bonus et les bâtiments sont placés de façon aléatoire en début de partie et tous les monuments ne seront pas joués : voilà pour ce qui est des changements de mise en place.

Pour autant, ils n'influent pas vraiment sur la diversité que pourront avoir les parties.

Ce sera en effet davantage les cartes et la façon de jouer de chaque joueur (il y a vraiment plusieurs tactiques viables à adopter) qui permettront aux parties de se renouveler.

L'interaction et les vilains coups, les lancés de dés en faveur ou défaveur (même si on peut presque toujours faire un coup sympa avec son résultat) de chacun donneront le piment qu'il faut pour que la sauce prenne.

De plus, les parties à deux, trois ou quatre joueurs ne procurent pas le même sentiment ludique : tant mieux, cela contribuera à essayer chacune des configurations. J'avoue pour ma part préférer y jouer à trois joueurs.

Avis de la rédaction

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Burdigala est à mes yeux une réussite totale : beau et simple, il se paie le luxe de proposer une véritable interaction entre les joueurs, donnant vraiment du ludique aux parties. Pour autant, on se plaira à calculer au mieux ses coups et si tout ne sera pas contrôlé à 100% on aura tout le temps l'impression de parvenir à mener sa barque comme on le souhaite. Esthétiquement réussi, ludiquement prenant et proposant plusieurs voies et des mécanismes malins qu'on peut même, pour certains, qualifier de novateurs, Burdigala est sans conteste une des plus grandes réussite des jeux de plateaux familiaux/intermédiaires de l'année 2011. Il serait dommage de s'en priver...
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