Interview des acteurs de Boom Booken

Playad Games, société d'édition rennaise de jeux de société, publie son troisième opus : BOOM BOKKEN, qui vient de sortir en boutique. A cette occasion, nous avons interviewé son auteur Henri Kermarrec, l'illustrateur Gorobei ainsi que Xavier, membre de Playad, l'éditeur du jeu.

Boom Bokken est un jeu de cartes, où l'on incarne un ninja dans la cour du dojo. Il simule un jeu de récréation où les apprentis ninjas s'envoient une bombe à la figure, bombe qui ne doit pas toucher le sol, sans quoi elle explose ! C'est un jeu très rapide, facile à prendre en main, très fun et surtout, un peu méchant...

Sur le processus de création - Question à Henri

Pourquoi ce jeu ? Qui en est à l'origine ? Comment est née l'idée du jeu ?

C'est moi, moi qui suis à l'origine de tout ! Xavier et Arnaud ne sont que de vils profiteurs qui veulent vendre ce joyau ciselé de stupidité ludique au plus grand nombre. Un soir d'ébriété j'ai signé un contrat qui me lie à Playad games... Quelle erreur ! Alors qu'à la base, je voulais faire une variante draft du scrabble, ils ont modifié tout le système et l'ont transformé en jeu d'ambiance pour de rire. Mais qui a besoin de rire quand on peut drafter au scrabble ?!

D'où t'es venue l'idée du jeu ?

Les inspirations sont multiples : d'une part, ça fait un bail que j'avais envie de créer un jeu de patate chaude avec une bombe qui explose. J'avais tenté de multiples variations autour du thème en utilisant des dés, mais aucune n'avait vraiment fonctionné.

C'est en repensant au mécanisme diablement malin d'utilisation des cartes chiffrées dans « Ninjato », le jeu d'Adam West, que je me suis questionné sur la bonne manière de donner une main de cartes à chaque joueur, sans qu'on puisse réellement se faire servir une « mauvaise main ».

Avoir des petites comme des grosses cartes serait une bonne chose, l'important n'étant pas la valeur, mais comment on s'en sert. En ajoutant à cela un enjeu de défausse, je me suis dit que ça pourrait donner quelque chose d'intéressant.

Combien de temps faut-il pour créer et régler un jeu comme Boom Booken ?

Dans le cas très précis de Boom Bokken, ça s'est passé très très vite. J'ai fabriqué un premier prototype mi-mars 2014. Quelques parties tests m'ont permis d'épurer tout ça, puis Xavier et Arnaud de chez Playad ont montré de l'intérêt pour le jeu, et se sont beaucoup impliqués dans le développement. En épurant encore, on est très vite tombés sur un système accessible et diablement efficace. Comme on était tous satisfaits, et que le jeu tournait au poil, Playad a décidé de lancer la production pour que le jeu sorte pour Essen - il a donc été fabriqué pendant l'été. Au total, ça n'a donc pris que quelques mois !

Combien de parties a-t-il fallu pour équilibrer le jeu ?

Fort heureusement, ce type de jeu est bien moins exigeant en termes de variables à équilibrer qu'un gros jeu de gestion (par exemple). On s'est toujours laissé guider par les sensations de jeu, et on a adapté la proportion et les effets de cartes en conséquence : il a fallu moins d'une cinquantaine de parties pour finaliser et confirmer le jeu tel qu'il est actuellement.

Qu'est-ce qui est le plus dur dans la création d'un jeu ?

Il n'y a pas de réponse simple à cette question. Le plus dur est d'abord d'avoir une bonne idée - ceci fait, le reste semble facile. Puis le plus dur devient le développement et les réglages, mais quand on trouve de bonnes solutions, ça semble très facile. Puis le plus dur devient de trouver un éditeur pour le jeu, mais quand c'est fait, on se dit que c'était pas si dur…

Qu'elle est le point le plus important pour toi dans un jeu ?

Tout est important. L'accessibilité, l'efficacité, l'originalité, et le fun. Enlevez un seul de ces points et il manque quelque chose, le jeu pourrait être « mieux ». Ceci dit, vu la profusion de jeux très différents, et tous bons dans leur style - ajoutez à cela les goûts et les couleurs - il est très difficile d'énoncer ce genre de généralité. Si je devais n'en retenir qu'un par rapport à mes goûts, ce serait l' « efficacité ». L'épure. Couper ce qui dépasse. Un système qui tient en quelques règles, mais qui est capable de produire de fantastiques sensations de jeu…

Sur l’illustration - Question à Gorobei

Est-ce la première fois que tu illustres un jeu ?

Pas tout à fait, j'avais déjà eu l'occasion de faire des petits visuels pour des cartes à collectionner pour "Salut les Bouquins", mais surtout j'illustre la bd dont on est le héros "Pirates", et le 3° volet sort pour Saint Malo. Maintenant Boom Bokken demeure le seul jeu à proprement parler, que j'ai eu l'occasion d'illustrer.

As-tu beaucoup joué au jeu avant de l'illustrer ?

Malheureusement non, je n'en ai pas eu l'occasion, cependant j'ai été très bien briefé, notamment sur l'aspect dynamique du jeu, de fait le processus de création a été très simple, d'autant plus que tout le monde a été très réactif dans les échanges.

D'où t'es venue l'inspiration pour la réalisation du jeu ?

Quand on m'a contacté,il y avait déjà plusieurs références mises à ma disposition, le jeu mini-ninja et les designs type Ankama/Dofus, je ne cache pas que ça tombait pas mal, vu que je travaille pour le Dofus mag en tant qu'illustrateur. Mais pour les designs, d'autres références sont entrées en jeu, Naruto, Tekken, Tenchu, Dragon Ball, bref des choses qui ont marqué ma jeunesse, et continuent de m'influencer.

As-tu un style graphique constant ou essaies-tu d'innover à chaque création?

Oui et non, en fait j'ai une identité graphique qui m'est propre c'est évident (les têtes carrées arrondies, les disproportions d'usage, l'élasticité des formes....), néanmoins j'ai plusieurs traitements possibles. Par exemple je constate que le style adopté pour Boom Bokken et Pirates, marche très bien pour le domaine du jeu, c'est jeune, c'est dynamique, et il y a peu d'informations superflues que pourrait rajouter un encrage. Alors qu'un traitement avec encrage, offre plus d'options, et de lisibilité pour de la BD, ça permet plus de choses d'un point de vue narratif. Donc je module mon style graphique suivant les situations, sans parler d'innovation, il y a une volonté d'adaptation.

Playad - Question à Xavier

Depuis combien de temps existez-vous ?

Playad Games existe depuis septembre 2012 à l'occasion de la sortie de New York Kings, un jeu d'Arnaud Ladagnous. C'est avant tout une aventure humaine de quatre potes qui se sont lancés dans l'édition du jeu de l'un des leurs, avec le soutien et les savoir-faire de chacun. Suite à ce premier jeu, un second est né en février 2014, Agents Secrets, puis Playad s'est ouvert à ce moment à deux nouveaux associés, dont je fais parti. C'est toujours une aventure humaine qui demande beaucoup d'investissements à tous en plus de nos métiers respectifs !

Comment devient-on éditeur de jeu ?

Pour ma part, je travaille dans le milieu du jeu depuis aout 2012, date à laquelle j'ai ouvert un bar à jeux à Rennes. Très rapidement, les membres de Playad Games sont venus me trouver pour faire des événements communs, et, de soirées de lancement en soirées prototypes, nous avons vraiment fait connaissance et lié d'amitié. J'ai rejoint l'aventure Playad pour éditer des jeux et mettre les mains sous le capot, si j'ose cette comparaison.

Combien de personnes ont participé au projet ?

Henri, évidement, qui est l'auteur du jeu, et qui a géré également toute la partie infographie du jeu. De mon coté, je validais son travail, tout en coordonnant le travail de Gorobei sur les illustrations. J'ai eu la chance de le contacter alors qu'il travaillait sur une série de BD dont vous êtes le héros, série que je lis depuis son lancement...

Concernant la validation des règles, je travaillais aux cotés d'Henri pour l'équilibrage et sa forme définitive. L'avantage d'avoir un bar à jeux, c'est que j'ai sous la main tous les soirs un panel très important de joueurs, et que je pouvais tous les jours faire un retour construit sur de multiples parties de playtest !

Parallèlement à tout cela, j'ai aussi travaillé avec deux traducteurs pour les versions allemandes et anglaises du jeu. Arnaud, de son coté, a géré la partie fabrication avec notre fabricant étranger, et toutes les questions logistiques et commerciales avec notre distributeur. Enfin, les autres associés playad ont toujours été intégré au moment clé de la validation du projet.

Question technique : Le prix lors de la sortie et le format de boîte ?

La boîte est au format Citadelle, et nous avons vu avec notre distributeur, Iello, pour un prix de vente conseillé en boutique à 22€.

Pour Essen, nous avons fait un prix salon à 18€ qui inclurait deux cartes goodies.

En quoi consiste ton travail après le processus de création du jeu ?

A présent que le jeu est sur les rails et viens juste de sortir en boutique, mon travail est d'une part de trouver des distributeurs étrangers pour étendre nos capacités commerciales. Je viens donc de travailler sur notre présence à Essen, pour la première fois, et sur le prochain festival de Cannes où Playad sera présent en 2015 pour la seconde fois. D'autre part, il faut faire connaître le jeu auprès du public. Mon travail de communication réside notamment dans une veille des médias ludiques, comme jedisjeux, pour qu'ils aient accès aux informations et au jeu le plus vite possible et puissent informer leur lectorat...

Avez-vous une idée du rythme de vos prochaines sorties ?

Après une sortie en 2012 et deux en 2014, nous visons encore deux jeux à paraître en 2015, dont un qui est dans ses phases finales... Pour l'instant, nous n'avons pas de calendrier de sorties de jeux au delà de cette date, mais nous souhaitons maintenir ce rythme à court terme, car il est compatible avec nos métiers et agendas respectifs.

Une petite exclusivité ?

Notre quatrième jeu à sortir normalement pour Cannes 2015 devrait plaire aux joueurs de New York Kings. Ce sera un jeu au thème plus marqué, aux interactions directes entre les joueurs dont le but est de s'enrichir sur le dos des autres. Nous nous placerons pour cela dans le Londres victorien des capitaines d'industries à l'époque florissante des échanges internationaux, de la révolution industrielle et des comptoirs coloniaux...

Combien de temps entre la naissance de l'idée jusqu'à sa commercialisation ?

Tout dépend de notre capacité d'intégration d'un projet dans nos agendas respectifs et de la proximité avec son auteur... Pour Boom Bokken, un jeu de cartes rapide et plutôt facile à équilibrer et à éditer, nous aurons mis sept mois entre les premières parties sur un prototype, un soir de mars au bar, et la sortie du jeu pour Essen 2014. C'est donc plutôt court car cela inclue les temps de fabrication et de transports... Pour nos prochains jeux, le délai pourrait s'étendre davantage suivant le niveau de complexité du jeu et les points d'équilibre à trouver dans les règles par exemple.

Un grand merci à vous pour la réalisation de cette interview très complète.

Information de la plus haute importance : Grande soirée de Lancement de BOOM BOKKEN où vous pourrez rencontrer son auteur !

Si vous êtes dans la région de Rennes, rendez-vous au café de l'Heure du jeu le jeudi 13 novembre de 20h45 à 00h30.

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