Critique de Terra Mystica

Lors du salon d'Essen, chaque année, il y a des jeux qui font le buzz. Entendez par là qu'alors qu'on ne sait quasi rien sur eux et que peu ont joué sur place, le bouche à oreille fait d'eux les titres à ne pas manquer. Certains suivent de près ce buzz, d'autres de loin, tant la chose peut être un indicateur précurseur annonçant un jeu qui fera parler de lui tout autant qu'un soufflé retombé bien vite.

Terra Mystica fut un de ces buzz en 2012. Premier jeu d'un nouvel éditeur jusqu'alors inconnu et tiré à un nombre d'exemplaires relativement faible, il fut "sold out" dès le début du salon.

Chez Jedisjeux, on s'était dit que si le jeu était bon, une Vf verrait le jour, et nous avions fait l'impasse. Mais le voilà depuis peu disponible en langue française chez Filosofia. Arrivés là, et même si des jeux ayant droit à une VF ne sont pas forcément gage de qualité, nous ne pouvions plus nous permettre de snober cette boite, et nous y avons donc joué.

Vous allez donc savoir, en lisant les lignes qui suivent, si les premiers échos positifs étaient, de notre avis, mérités ou bien exagérés...

Matériel

Mon dieu que cette boite coûte cher... mais mon dieu qu'elle est lourde !

Il faut dire que, quand on lit sur son dos la liste complète du matériel, on comprend mieux tout ça. Et à l'ouverture, ça va se confirmer : aucun thermoformage et tout déjà bien rangé dans de nombreux sachets zip. La place est optimisée, c'est rempli bien comme il faut. Si extension il y a un jour, il ne faudra pas qu'elle prenne trop de place si vous voulez la ranger dans cette même boite...

Mais revenons au dos de celle-ci pour y noter qu'une description du jeu y est faite, non pas parlant vraiment des mécanismes, mais faisant au mieux pour expliquer tout ce qui nous attend en axant la description sur l'aspect thématique du jeu. Cette dernière risquera de vous paraitre assez légère dans la pratique...

Le bon point est qu'une illustration présente le fameux matériel de jeu, tout de bois et de carton, avec des chiffres reliés au texte de présentation, histoire de mieux visualiser ce qui correspond à quoi dans cette aventure dans laquelle vous allez vous lancer.

Le matériel étant donc abondant, je ne vous le détaillerai pas avec précision, mais sachez que tout est de très bonne qualité et idéal à utiliser dans la pratique. Il faudra néanmoins un peu d'imagination pour se dire que le gros cylindre que vous venez de poser représente un temple. Mais c'est un choix, et si certains joueurs aiment bien des pions en plastique moulé représentant bien ce qu'ils sont, d'autres sont adeptes du bois et de la symbolique : il n'y a pas de meilleure solution. L'excellent jeu "Catane", auquel l'auteur reprend le système de pose initiale des maisons dans sa règle (mais nous verrons ceci dans la partie suivante de cette critique) n'a d'ailleurs pas vraiment tranché, ayant proposé l'une ou l'autre de ces deux alternatives selon ses différentes éditions...

Règles

Vingt pages de règles, rien que ça !

En même temps, comme précisé plus haut, le verso de la boite de jeu annonçait un jeu regorgeant de matériel, ce qui sous-entend bien souvent que ce dernier ne sera pas si facile à assimiler. On pouvait également y lire l'age minimum indiqué (13 ans) et la durée annoncée des parties : une demi-heure par joueur. Tout ceci appuie dans le sens du jeu conçu pour être pratiqué par des joueurs confirmés.

Pour autant, et même si lors de la première partie vous aurez peut-être quelques appréhensions lors du premier tour, tout ça se décante très rapidement et les mécanismes du jeu, finalement pas trop nombreux ou tortueux, s'assimilent avec aisance, permettant au jeu de ne pas avoir une cadence trop hachée. Il faut dire que les plateaux individuels (certains joueurs apprécient les jeux utilisant ce type de plateau, tandis que d'autres ont l'impression que chacun joue alors un peu dans son coin) rappellent une bonne partie des règles fondamentales, le plateau principal et la mise en place initiale du matériel faisant le reste.

Vingt pages, je vous disais : je ne vais donc pas vous détailler les règles avec précisions, d'autant plus que si vous lisez l'anglais, vous les avez juste là, sur la fiche du jeu, dans l'onglet "extras". Mais voilà grosso modo l'idée du jeu :

Après une mise en place durant laquelle les joueurs auront posé deux de leurs habitations sur le plateau de jeu, les joueurs vont recevoir leurs revenus, qui seront différents dès le début de partie, chacun jouant une des 14 factions disponibles, chacune ayant son revenu initial et son "pouvoir" particulier. Les revenus sont à base d'argent (et vous serez toujours juste financièrement), de cubes ouvriers, de pions prêtres et de gain de jetons pouvoir.

Puis, chacun va jouer à tour de rôle une action. Les joueurs peuvent passer et prendre alors une des cartes bonus disponible contre celle qu'ils avaient alors. Le premier à passer deviendra premier joueur au tour suivant.

Voici rapidement les différentes actions possibles :

- Transformer et construire : Chaque peuple ne peut construire une habitation que sur un type de terrain précis. Pour transformer un type de terrain en un autre, il va vous falloir dépenser des ressources (qui peuvent varier d'un peuple à l'autre). Combien ?

Eh bien regardez l'illustration de la boite de jeu. Vous y trouverez les sept types de terrains. Un type de terrain adjacent coute moins cher à transformer. Plus le type de terrain est éloigné, et plus il faudra débourser. Une habitation à poser dessus coute un ouvrier et deux pièces. Chaque habitation en jeu vous rapportera un ouvrier lors de votre revenu.

- Avancer sur la piste navigation : moyennant un prêtre et de l'argent, vous gagnerez quelques Pv et pourrez considérer comme adjacents des bâtiments séparés par la mer d'un nombre de cases variant selon votre avancée sur cette piste.

- Diminuer le coût des pelles : Moyennant ressources, vous allez améliorer votre capacité de transformation des terrains qui vous coutera alors moins cher.

- Améliorer une infrastructure : vous remettez une habitation sur votre plateau personnel (ce qui vous fait perdre un ouvrier lors de votre phase de revenus) pour fabriquer un comptoir (son prix diminue de moitié si vous le construisez adjacent à un bâtiment adverse) qui lors de votre phase de revenus vous rapporte de l'argent et des cubes de pouvoir. Vous pouvez transformer aussi de la même façon et moyennant ressources un comptoir en temple (qui procure des prêtres) ou en Forteresse (une seule possible, mais elle donne un pouvoir différent à chaque peuple). Une seule fois durant la partie, on peut améliorer un temple en Sanctuaire...

- Placer un prêtre sur un culte : vous perdez le pion pour toute la partie mais avancez sur une piste de culte de votre choix (d'autres moyens vous permettent d'avancer sur ces pistes). Les pistes peuvent procurer des cubes de pouvoir durant la partie et offrent des pts de victoire en fin de partie selon votre place par rapport aux autres joueurs

sur chaque piste.

- Faire une action spéciale : Toutes ne sont disponibles qu'une fois par tour, et elle se paient avec des points de pouvoirs. Elles permettent d'obtenir des ressources, de créer des ponts...

Une action spéciale ne comptant pas comme action, consiste à perdre définitivement des cubes de pouvoirs de sa réserve pour en avoir plus rapidement de disponibles immédiatement.

En fin de tour, les joueurs peuvent remporter des bonus selon certaines conditions, annoncées en début de partie via des tuiles bonus posées sur le plateau de jeu. De plus, dès qu'un joueur construit une ville (un nombre de bâtiments adjacents précis, d'une valeur totale précise -chaque bâtiment a une valeur personnelle pour ce type de compte-), il remporte une tuile ville parmi les restantes. Elles procurent des pts de victoire et un bonus plus ou moins intéressant (et plus le bonus est fort, moins vous avez de Pv).

Bon, il y a plein d'autres petites règles, mais voilà, vous savez presque tout. A la fin du sixième tour on compte les PV (ceux acquis durant la partie, mais aussi sur les pistes de culte, selon la taille de la ville la plus importante pour chaque joueur...).

Le livret est clair dans ses explications et si le jeu ne transpire pas de mécaniques novatrices, il propose quelques petites idées et trouvailles sympathiques, tel le système de gestion de cubes de pouvoir que je ne vous ai pas détaillé, justement. C'est très bien, très bon, au final.

Durée de vie

14 peuples différents, oui, mais sur des plateaux personnels recto-verso, ce qui empêche de jouer en même temps deux peuples d'un même plateaux. C'est déjà pas mal pour s'essayer à différents départs, différentes stratégies.

Ça ne changera pas réellement la dynamique du jeu, mais incitera les joueurs à essayer d'autres pistes, à ne pas jouer toujours de la même façon, même s'ils peuvent décider d'ignorer le pouvoir de leur forteresse en ne la construisant pas de toute la partie sans pour autant s'interdire la victoire, et en n'optimisant pas leur pouvoir de base. Oui, mais, si les autres joueurs le font eux, ne risquent-ils pas de creuser cette petite différence qui leur apportera la victoire ?

Les tuiles bonus que l'on prend en fin de tour sont distribuées en début de partie elles aussi et ne sont pas toutes jouées. Ainsi, vous aurez des parties avec telle ou telle ressource plus ou moins rare, par exemple. Ce ne sont pas de grands changements, mais ça apporte une légère variation bienvenue.

On est gourmand et on en aurait voulu plus, mais le jeu est assez riche pour qu'il vous faille bon nombre de parties pour en explorer toutes les pistes. Alors, de là à maitriser chacune...

Le conseil de Jedisjeux

Pas assez de parties encore à mon actif pour vous donnez de véritables conseils, mais mieux vaut avoir une idée de la direction à prendre assez rapidement et bien regarder l'évolution du jeu pour l'adapter au fil de la partie.

Lors de vos parties, assurez-vous peut-être, histoire qu'un joueur ne soit pas trop lésé, de ne pas jouer des factions trop proches et une isolée.

Je m'explique avec un exemple : lors d'une partie à trois joueurs, si deux possèdent en terrain de base deux terrains adjacents et le troisième le type de terrain qui leur est le plus éloigné, les deux premiers pourraient se gêner en transformant plus facilement le type de terrain adverse pendant que le troisième serait plus à l'abri de ce côté là. Ça ne doit pas jouer grand chose durant la partie, mais sait-on jamais...

Avis de la rédaction

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Eh bien non, les bons échos accordés à ce jeu lors de sa première présentation en Octobre 2012 n'étaient pas démérités. On vibre bien durant la partie et les choix sont nombreux et intéressants. Le niveau de difficulté à récolter toutes les ressources nécessaires à mettre en place les actions que l'on souhaiterait lors de son tour de jeu est lui aussi excellemment bien dosé. Le jeu semble donc bien équilibré et ce jusqu'aux pouvoirs des peuples : les utiliser rapporte assez pour qu'ils ne soient pas laissés de côté car anecdotiques et ne s'en servir qu'à faible dose n'entraine pas une défaite assurée. Ce jeu pourrait bien rester sur le long terme et faire partie de ces grands jeux dont le titre est encore cité quand on parle de références...
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Terra Mystica est mon coup de cœur pour Essen 2012 ! Il tourne aussi bien à 2 qu’à 4 (je n’ai pas testé dans les autres configurations), même si on ne gèrera pas sa partie de la même manière. Le jeu est très touffu au niveau règle et peut faire peur (on a l’impression d’être noyé par les possibilités), mais après un tour ou deux tout s’imbrique et le matériel est très bien fait pour nous rappeler les différentes possibilités. Et même si les parties peuvent être longue (tout dépend du nombre de joueur et de qui se trouve à votre table), on ne voit pas le temps passer et on profite de chaque occasion pour réfléchir à la possibilité la plus intéressante à faire :) Pour beaucoup, on ne ressent pas trop la thématique et pourtant moi je m’éclate à développer ma race, à faire de la magie, à terraformer… comme quoi parfois c’est juste un ressenti du joueur et la façon dont on se plonge dans le jeu qui fait tout ! Les différentes races donnent de la diversité au jeu et pas mal de chose à faire. Je crois que j’en ai pour un bon bout de temps avant d’en faire le tour (d’autant plus qu’une extension est prévue). Bref, j’adore le jeu et je ne m’en lasse pas. Je trouve que c’est un jeu de civilisation qui change de style (même si le thème de civilisation ne semble pas ressortir). Son seul défaut est que si on ne joue pas régulièrement au jeu, il faut relire les règles, même en diagonal, avant chaque partie pour se remémorer les choses. Mais c’est souvent le défaut de ce type de gros jeu…
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Oui, ne se le cachons pas, Terra Mystica fait partie des gros jeux pour gros joueurs avertis. En effet quantité de règles et de mécaniques fines nécessite un peu d'habitude de ce genre de jeux pour pouvoir l'appréhender facilement et il faudra également beaucoup de stratégie, de réflexion et d'optimisation pour en trouver la quintessence. Terra Mystica n'invente pas de nouvelles mécaniques mais mélange à la perfection des mécaniques rodées. On trouvera du placement, de l'initiative, du développement, pas d'agression directe mais du blocage spatial sur un magnifique plateau. Le jeu possède également un matériel fabuleux principalement constitué de bois mais aussi de magnifique plateaux individuels très fonctionnels. Son seul défaut en plus d'avoir de longues règles (ce qui n'en est pas un ...), est son prix ... Certains le justifieront par ce magnifique matériel pour 7 joueurs, mais le jeu ne se joue qu'à 5 maximum ... Terra n'en reste pas mon coup de cœur de cette première partie de 2013 et je lui prévois de nombreux prix ludiques !
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Je n'ai fait qu'une seule partie, mais je l'ai trouvée bien intéressante. Une chose me gène, le caractère figé du terrain ne me plait pas. Et pis le theme ne m'a pas transporte. Mais la mécanique est bonne, c'est du bon jeu a l'allemande. Rien de très révolutionnaire.
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