Critique de Isla Dorada

Pourquoi croit-on toujours que se retrouver sur une île déserte est forcément paradisiaque ?

Et puis, vaut-il mieux y être seul, libre de ses choix mais une proie plus facile pour tous les prédateurs que peut cacher cette jungle mystérieuse ?

Quoi que, quand on est plusieurs, il faut savoir cohabiter, en commençant par se mettre d'accord sur le chemin à prendre pour avancer.

Alors imaginez qu'en plus, dans le groupe cosmopolite que vous formez avec vos compères se cachent des chercheurs de trésors échoués, certes, mais sur la bonne île. On va vite en oublier l'essentiel et ne penser qu'aux trésors...

Je sens que tout ça va être bien mouvementé...

Matériel

C'est une bien belle et grande boîte carrée qui nous est ici proposée. Au toucher, légèrement toilée, elle est des plus agréable. A la vue, idem : une illustration encourageant à s'aventurer davantage et une police intéressante utilisée pour le titre.

On est déjà dans l'ambiance du jeu avant même de lire le texte figurant au dos de la boîte, ce dernier étant accompagné d'une photographie représentant ce que nous devrions trouver sous le couvercle... que nous soulevons de ce pas.

Mis de côté tout comme le livret de règles, première découverte sur laquelle nous reviendrons, le plateau de jeu se voit recouvert par six aides de jeu cartonnées : pas de jaloux, chaque aventurier partira équipé d'une carte pour le guider.

Le plateau de jeu déplié nous révèle une île de taille assez importante, quatre fois supérieure à notre boîte, réussie graphiquement sans non plus être lourde de détails qui auraient nuit à la visibilité. Ici aussi, une semi-impression de "toilé" vient s'ajouter au plaisir.

S'y déplaceront trois figurines, à la taille et au design énormes, représentant les joueurs (enfin, le groupe de chercheurs de trésors) et les deux plus terribles créatures qu'il ne faut pas rencontrer : Big Foot et le Léviathan. Tomber sur eux, c'est devenir aussi blême que le blanc cassé uni de ces chers pions disproportionnés (qui ne gênent pas pour ce qui est de la lisibilité du plateau) qu'on aurait aimé voir tout colorés... au risque de voir le prix final du produit se nuancer également. Mais bon, il faut faire des choix... et nos explorateurs devront en faire ensemble, ou plutôt en contraignant les autres, pour avancer de lieu en lieu. Mais ça, vous le comprendrez mieux dans l'épisode suivant, intitulé "Règle"...

D'autres pions, plus sobres, mais eux aussi plus imposants que de coutume (ils sont bien épais, mais c'est indispensable pour pouvoir visualiser les lieux visités d'un simple coup d'oeil) sont aussi du voyage. Ils s'y promèneront (restons dans le thème) auprès des pièces d'or en carton, de deux tailles différentes, qu'on aura dépunché entre temps. Pas de sachet Zip, mais qu'à cela ne tienne : vous partiez pour une île, vous avez dû en faire suivre pour y mettre une pincée de sable, de la poudre de diamant ou je ne sais quel souvenir dans le genre...

Règles

Quand on part pour une île jusqu'ici inexplorée, bah on se documente un minimum histoire de minimiser les risques...

En tant que vieux explorateurs briscards, vous débutez votre expédition munis de vieilles cartes donnant des indices sur les emplacements des trésors. Chacun possède les siennes, secrètes, et va tout faire pour que le groupe finisse par passer par ces endroits, afin de récupérer le trésor tant convoité. Pour compliquer la donne, chaque joueur possède également un lieu maudit qu'il ne lui faut pas visiter. Tous les chemins ne vous seront pas bénéfiques, alors, empruntez les bons !

Oui, mais comment s'y prendre, concrètement ?

Les joueurs déplacent un pion unique représentant l'expédition dans sa globalité. Chaque joueur va recevoir des cartes de différents types (mouvements, actions, destinations, malédictions, destins, ainsi que des cartes bonus ou malus) et devra gérer sa main de cartes, limitée, pour pouvoir choisir les destinations de l'expédition dans une succession d'enchères et de négociations. Au bout de 16 tours, la partie s'arrêtera et les joueurs marqueront des points en fonction des lieux visités et des cartes à objectifs secrets qu'ils possèdent (sans parler des trésors amassés et posés devant eux).

Remporter une enchère, c'est s'assurer de déplacer le groupe dans la direction de son choix, mais c'est aussi perdre des cartes, car à la fin d'un tour de jeu, chaque joueur ne pioche qu'une seule et unique carte, soit parmi les 4 présentées, soit en s'en remettant au hasard et en prenant la première carte de la pioche. Et si le vainqueur de l'enchère choisit en premier, il aura défaussé les cartes lui ayant permis de remporter son enchère. Chacun débute la partie avec un pécule de 10 pièces d'or, ces dernières étant des points de victoire en fin de partie mais pouvant être dépensées lors de son tour de pioche pour prendre une carte supplémentaire ou pour jouer des cartes "joker", permettant de passer par n'importe quel chemin, il faudra bien les gérer, d'autant plus qu'on ne peut pas s'en procurer durant la partie.

Le jeu mêle hasard, fun et gestion de main et le livret propose deux façons de jouer la phase d'enchère. Dans la pratique, il peut même être méchant de par son interaction. Pourtant, il n'en demeure pas moins un jeu familial, simple à appréhender et beau, ce qui devrait lui valoir de ne pas déplaire au public auquel il s'adresse vraiment.

Durée de vie

Nous ne sommes pas ici perdus dans l'inconnu d'un jeu hautement tactique. Certains s'amuseraient même à préciser qu'il s'agit d'un jeu de Bruno Faidutti...

Chaos, bluff, interaction, sont les maîtres mots de cette foire d'empoigne dans laquelle il faudra savoir plier, s'allier et choisir les bonnes cartes.

C'est justement cette interaction et cet aléa, couplés aux différents objectifs secrets permettant de scorer qui permettent aux parties de différer et au jeu de se renouveler.

Pour un jeu "familial", on n'ira pas chercher plus loin. Le goût de "reviens-y" y est, c'est déjà ça.

Le conseil de Jedisjeux

Attention, le jeu peut paraître agressif et déplaire à certains. La part de hasard qui y est associée peut également jouer dans cette impression et si prévoir une main polyvalente ou savoir faire des concessions de parcours ne sont pas dans vos cordes, vous pourriez avoir l'impression de subir le jeu.

Ceux qui désireraient davantage de contrôle dans le jeu peuvent décider d'appliquer la variante suivante qui consiste, à chaque début de tour de jeu, de mettre face visible non pas 4 cartes mais deux fois plus de cartes qu'il y a de joueurs présents.

Ainsi, en commençant par le premier joueur, on peut soit décider de proposer une enchère, soit de passer, sans pouvoir revenir, mais on a alors l'avantage de prendre de suite une des cartes restante parmi celles posées face visible (on ne peut plus piocher de carte depuis la pioche : seules ces cartes sont désormais disponibles). Le vainqueur de l'enchère prendra ensuite une carte parmi celles restantes, puis chaque joueur, dans le sens inverse du nouvel ordre de tour, peut dépenser une pièce d'or pour acheter une des cartes encore présente.

A vous de voir si lors de la dépense de l'or pour piocher, on autorise ou pas de pouvoir prendre dans la pioche, si les cartes non sélectionnées en fin de tour sont défaussées ou restent en jeu pour être complétées de sorte à ce qu'il y ait exactement deux fois plus de cartes proposées que de joueurs, ou encore si on permet (en conservant la restriction d'un or dépensé par tour maximum pour la pioche de cartes) de prendre une carte durant la phase d'enchère en dépensant son or et en passant ainsi son tour dans l'enchère mais en y restant.

Idem pour le fait de pouvoir jouer le système d'enchères coopératives proposé dans le livret de règles. Rien n'est figé, cette proposition servant surtout à présenter aux joueurs chagrins une autre possibilité pour gérer sa main de cartes de façon, apparemment, moins hasardeuse.

Avis de la rédaction

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C'est certain, Isla Dorada ne laissera pas indifférent et ses petites subtilités demanderont une petite attention pour être remarquées. Tant mieux, cela permettra de ne pas se focaliser sur cette première impression de chaos général. Car si le jeu l'est assurément, la chose est plus relative qu'il n'y parait au premier abord. Un bon jeu joliment habillé, Isla Dorada mérite à mes yeux de figurer sur le podium des jeux familiaux où la beauté du matériel côtoie une interaction permettant tout autant d'apporter le fun et la tension qui naissent du hasard proposé que ces vilains coups et ces retournements que l'on peut jouer pour faire réveiller la tablée. Bref, il trône pour ma part aux côtés de deux autres jeux rassemblant ces mêmes critères : Jamaïca et Tobago (tient, des îles et des trésors là aussi : la boucle est bouclée).
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Comme tout bon chercheur de trésors ludiques, j'attendais ce nouveau Faidutti. Je me souviens de parties endiablées de Citadelles, et j'avais envie de retrouver ce mélange de bluff et de stratégie. D'autant que le jeu est superbe, et c'est toujours plaisant de sortir un beau jeu. Malheureusement, je n'ai pas su trouver le coffre au milieu de cette île, je me suis senti frustré de ne pas être maître de mes mouvements, j'ai eu l'impression d'être baladé sans jamais pouvoir arriver où je voulais. Car aller dans la bonne direction ne suffit pas, gagner une enchère ne sert à rien si on perd la suivante. Du coup, on est forcé de suivre le groupe sans réel intérêt, sans but, jusqu'à passer à côté de lieux qui proposent des "points" faciles. Là on gagne l'enchère, on récupère quelques petites reliques et on attend la suite du voyage pour qu'à la fin de la partie, le plus chanceux arbore finalement ses trésors, mais c'est aussi ça la vie d'un explorateur, on ne connait que ceux qui sont revenus victorieux de leurs explorations. Bref, j'ai fait une jolie balade, mais je n'ai pas trouvé de trésor, j'attendais un jeu tactique, ou stratégique avec une dose de bluff, mais le chaos ambiant annihilait la moindre idée stratégique qui aurait pu germer dans mon esprit. Isla Dorada est un jeu magnifique mais il n'est pas fait pour moi, ça intéressera sûrement des joueurs néophytes et ça réunira facilement toute la famille autour de la table, mais je cherche quelque chose de plus grand, je retourne dans mes cartes, chercher les mystérieuses cités d'or dont j'entendais parler pendant mon enfance.
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