Critique de Pergamemnon

Quand on regarde de plus près la liste des créations ludiques de Bernd Eisenstein, on remarque que l'auteur n'est pas du genre à vouloir faire deux types de jeux similaires.

Et pourtant, lors du salon d'Essen 2011, il revient avec deux nouveautés, qu'on nous présente comme deux petits jeux de cartes entrant dans la catégorie des jeux dits de Deckbuilding.

Le genre étant à la mode et les réalisations de l'auteur ayant toujours été de bon niveau, on ne peut alors que se demander quelle genre de surprise ces petites boîtes si compactes vont nous procurer.

Pergamemnon sera donc le premier de ces deux titres à vous être présenté sur Jedisjeux.

La critique de cette chasse aux créatures mythologiques entre de grandes civilisations sera t-elle donc élogieuse, ou moins enthousiaste que les précédents titres (Zack & Pack, Peloponnes) de l'auteur pour lesquels nous vous avions présenté les Jedistests ?

Matériel

Comme précisé, quand on l'a entre les mains, la première chose que l'on note est la taille réduite de ce jeu. A croire que dès qu'on touche aux jeux mettant en scène différentes civilisations antiques, on s'imagine une feuille A4 pour en recenser tout le matériel.

Et bien non : le dos de la boîte l'annonce en une seule et unique ligne, précisant qu'à part le livret de règles, justement, seules 110 cartes sont nécessaires pour se plonger dans ce conflit épique qui nous est annoncé. En effet, c'est ainsi que nous est décrit le jeu, ou plutôt, sa thématique. Trois langues sont mises en avant, dont le français.

Un passage tiré de cette mise en bouche : "Ils ont été les peuples les plus puissants de leur temps : les carthaginois, les romains, les grecques..., oui : les grecques. Nous voici donc prévenus avant même de soulever le couvercle : la VF comportera des fautes d'orthographe. Espérons qu'elle se limitera à ça et qu'on n'aura pas de soucis dans la pratique suite à une traduction trop approximative...

Et puis il serait tout de même dommage d'en rester là alors que la durée d'une partie, précisée sur une des tranches de la boîte, n'excède pas l'heure de jeu. Même les illustrations des trois cartes ornant le quatrième de couverture donnent envie de s'y pencher dessus, bien plus que celle figurant en couverture du jeu, qui sans être ratée n'est pas non plus des plus avenantes.

On retrouvera, sous l'épais livret de règles (dû aux trois langues proposées), les cartes, confortablement rangées dans un thermoformage adapté.

Agréables au toucher, elles sont très souple sans pour autant avoir ce petit grain toilé qu'on apprécie tant. Leur contour, noir, donne du cachet et permettra de masquer les premières manifestations d'usures. Si je n'ai pas un avis tranché sur les dessins des cartes, je pense que de manière générale, elles devraient susciter l'intérêt ou la désapprobation. Le style graphique le laisse supposer. On saluera tout de même qu'au final peu d'entre elles possède une illustration similaire.

Un rendu général agréable, qui pousse à aller de l'avant.

Règles

Si le livret de règles est épais, seules les huit dernières pages nous intéressent.

Tout y est présenté en détail, illustrations à l'appui.

Contrairement à ce à quoi on aurait pu s'attendre, les règles sont bien rédigées et ne semblent pas contenir de grosses coquilles quand on compare le texte à celui de la version anglaise. On n'aura pas la même chance avec Pax, second titre évoqué (sans être nommé) plus haut et sur lequel nous reviendrons d'ici quelques temps...

Reste que le texte est parfois bien "condensé" et qu'on peut en oublier facilement une ligne ou un passage important, sans s'en rendre compte, ces derniers n'étant pas soulignés, mis en caractères gras ou répétés dans la règle : la vigilance ou la relecture en cas de doute seront de mise.

Grosso modo, chaque joueur possède un peuple (11 cartes) composé d'un chef historique et de guerriers plus ou moins compétents. Chaque carte possède une valeur d'attaque et trois de défense. Pourquoi ? Parce qu'il existe trois types d'attaque voyons. Ainsi, on peut attaquer à l'épée, la lance ou l'arc, ce en quoi le défenseur devra être fort en casque, armure et bouclier.

Chaque peuple possède ses points faibles et ses points forts ainsi qu'un pouvoir spécial personnel qu'il perd si un adversaire parvient à lui enlever son chef.

Car à son tour, on pioche trois cartes. Là, on a deux possibilités :

- Recruter une créature, qui vous apportera souvent des points de victoire en fin de partie (tout comme certaines de vos cartes de bases ou encore certaines cartes adversaires qui en offrent si elles sont capturées) mais qui aura elle aussi ses propres valeurs d'attaque et de défenses, souvent bien appréciables. Pour recruter une créature, vous devez posséder au moins autant de charisme que nécessaire. Pour ce faire vous DEVEZ jouer votre carte ayant le plus de charisme et un point de charisme mis de côté (vous en avez un maigre pécule en début de partie), et y ajouter au besoin d'autres points de charisme ainsi mis de côté.

Quand une créature est capturée, une autre apparait (le nombre de créatures en jeu ou à recruter tout au long de la partie dépend du nombre de joueurs).

- Attaquer un autre joueur, ce que vous ne ferez que si vous ne pouvez pas recruter une créature ou que vous êtes bien trop gourmand. Dans le cas d'une attaque,on annonce avec quelle arme on attaque puis les deux joueurs posent une de leur carte en main face cachée et la révèlent simultanément. Si l'agresseur l'emporte, il met les deux cartes dans sa défausse (si la carte adverse a des points de charisme, il peut décider de la mettre à la place dans son pool de charisme : la carte sera alors retirée de la partie après utilisation) et rejoue un tour complet après que lui et le défenseur aient refait leur main à trois cartes.

En cas de défaite, le défenseur a seulement paré l'attaque, et son assaillant doit se défendre contre la valeur d'attaque de la carte jouée et avec le type approprié. Si le défenseur remporte la bataille, il gagne un point de charisme et les deux cartes. En cas d'égalité, les cartes sont défaussées, les mains refaites et seul le point de charisme est remporté. Le tour prend fin.

C'est simple mais bien tarabiscoté au final. Le jeu nous dirige énormément et les pouvoirs spéciaux ou le fait d'essayer de se spécialiser dans un type d'attaque, de défense ou au contraire d'uniformiser tout ça n'est qu'un leurre : on joue au petit bonheur la chance, n'étant pas aussi maitre de son destin qu'à la lecture des règles on l'aurait imaginé.

Dommage, car mécaniquement parlant, le jeu était plutôt destiné à un public voulant un jeu stratégique... et c'est manqué.

Durée de vie

Tout n'est pas mauvais tout de même, et les joueurs auront, si le coeur leur en dit, un total de cinq nations à essayer. De plus, selon le nombre de joueurs, les configurations changeront, et ce sans compter qu'on ne jouera pas forcément toutes les cartes créatures.

Cela permettra au jeu de ne pas être trop redondant mais n'empêchera pas cette impression de contrôle très faible pour une mécanique trop lourde.

Les passionnés de jeux de deckbuilding pourront pour leur part apprécier de voir que le genre à encore de bonnes possibilités de se renouveler et de ne pas proposer le même genre de jeu.

Avis de la rédaction

avatar
Trop dirigiste et mécaniquement trop lourd pour ce qu'il est, Pergamemnon est un titre qui risque de ne plaire finalement à pas grand monde. Loin d'être un jeu sans âme, il donnera une impression de bonne idée qui ne fonctionne finalement pas, du fait du peu de réelles décisions faites par les joueurs. Si la mise en place, très rapide, pouvait plaider en faveur de ce jeu, vu qu'il s'agit là d'une faiblesse souvent redondante dans les jeux de deckbuilding, le reste ne suit pas, et Pergamemnon risquerait de passer inaperçu dans cette foule de jeux parus lors de ce salon d'Essen 2011...
Réagir à cet article

Il n'y a aucun commentaire