Critique de Antike

Le petit éditeur allemand Eggertspiele s'impose progressivement comme l'une des valeurs sûres de l'édition germanique. Son premier jeu à gros tirage, Antike, décrochant la troisième place du prix des joueurs allemands en 2006, a parfaitement réussi le pari qu'il s'était fixé : réunir en un jeu et de façon fluide les diverses écoles ludiques : à la frontière du jeu de conquête "à l'américaine" et du jeu de gestion "à l'allemande", Antike se distingue par une remarquable fluidité.

Matériel

Si l'aspect de la boîte et dans une certaine mesure du plateau de jeu est à première vue repoussant, force est de constater que le matériel en lui-même est d'une excellente qualité : figurines en bois sculptés représentant les temples, marqueurs d'armées épais et stylisés... De plus, l'ensemble présente une très bonne jouabilité, le plateau se révélant en pratique assez visible. Les cartes, elles, sont d'excellente facture et permettent de visualiser en un clin d'oeil les forces et faiblesses de chacun. Enfin, les marqueurs de monnaie en carton sont nombreux et solides.

Assez bonne impression, donc, même si l'ensemble n'est pas transcendant.

Règles

Antike est avant tout un jeu de civilisation, mêlant gestion militaire, gestion des ressources, constructions et technologie, le tout étant régencé par un système original de gestion des actions.

C'est là qu'arrive le vrai coup de génie de l'auteur, Mac Gerdts : la roue des actions (commune à Imperial, c.f la fiche et le test). En effet, chaque nation est représentée par un marqueur qui se déplace d'une à trois cases autour d'une roue organisée en un dyptique récolte/production. Ainsi, d'un côté de la roue, le joueur pourra produire du marbre, et en ayant effectué un demi-tour de celle-ci, l'utiliser pour construire un temple.

En pratique, le système se révèle fonctionner parfaitement, le jeu étant ainsi séquencé en phases de production/recrutement/manoeuvres, le tout donnant évidemmment lieu à une forte interactivité entre les joueurs : le romain produit du fer ? Il faut que je groupe mes troupes à la frontière, ou que je recrute des légions. Oui, mais du coup, je devrais sauter la case "marbre", et perdrais donc un tour de roue.

En effet, Antike est un jeu de choix perpétuel. A l'échelle stratégique, d'abord, car chaque nation doit choisir une voie générale : l'expansion à outrance ? La construction de temples triplant la production des provinces ? Un équilibre des productions ? A l'échelle tactique, ensuite, puisque chaque action conditionne le développement proche du joueur, mais aussi celui des autres, puisqu'en ces temps troublés, la guerre n'est jamais loin...

Le système de la roue induit dans le jeu une fluidité exemplaire, les tours étant courts et les possibilités de réflexion durant celui des autres dictées par la position de son marqueur sur la roue. Tout s'enchaîne parfaitement, et l'absence totale de hasard (les combats se résolvent au 1:1) n'enlève rien au plaisir du jeu, d'autant qu'il est toujours possible de sacrifier des ressources pour "forcer" le cour de la roue, ce qui provoque parfois des grincements de dents innatendus... Antike réussit donc parfaitement son pari : mêler jeu de conquête et jeu de gestion au sein d'un ensemble rapide, fluide et agréable, où les rebondissements sont légions.

Durée de vie

La durée de vie de ce jeu est parfaite, les possibilités étant nombreuses et la jouabilité présente. Attention toutefois aux démarrages "automatiques" de partie entre joueurs expérimentés, car la routine peut parfois s'installer durant les périodes de paix. Les parties offrent toutefois une variation très agréable, avec des scénarios divers, et des conditions de victoire différentes (cinq) qui promettent toujours des rebondissements, le vainqueur étant toujours très long à se dessiner. Un jeu qui se rejoue bien, donc, d'autant plus que les parties varient beaucoup en fonction des nations jouées.

Le conseil de Jedisjeux

A deux joueurs, il existe deux variantes, mais le jeu prend tout son sel en jouant deux peuples pour chaque joueur, ce qui conduit à des parties intéressantes, les possibilités de sacrifier un joueur pour un autre étant toujours complexes et les alliances ainsi indéfectibles. Certainement une des meilleures configurations du jeu pour ceux qui n'apprécient pas la diplomatie à outrance. A trois joueurs, par contre, le jeu est particulièrement pacifiste, et je recommande de rapprocher les provinces initiales des joueurs pour une partie plus dynamique.

Ne négligez jamais les actions de vos adversaires sur la roue et jetez toujours un oeil sur les conditions de victoire. Analysez posément les forces et faiblesses de votre nation, le joueur grec étant par exemple plus appelé à prendre la mer et à construire des temples, protégé par la péninsule héllénique.

La carte orientale paraît un peu plus intéressante à jouer, sa configuration étant un peu plus agréable que la carte occidentale qui présente beaucoup de bandes de terre étroites et d'îles.

Avis de la rédaction

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Il n'y a pas grand chose à redire sur ce petit bijou ludique ! Les mécanismes sont fluides, originaux (la roue que l'on retrouve ensuite dans impérial est une superbe trouvaille), le jeu va vite, les choix sont durs, il y a du rythme et pas de temps d'attente ou presque. De plus, les règles sont très rapides et faciles à expliquer. S'il ne devait rester qu'un jeu de conquête, ce serait celui-là !
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