Critique de Fortuna

Nous sommes pauvres, nous ici. Rejoignons cette grande ville où le rêve améri... romain est possible. Dirigeons-nous vers cette capitale accueillante pour y trouver un emploi et de l'argent.

Ah, et puis comme il se peut que le flux migratoire soit contrôlé, mieux vaut y parvenir avant les autres, quitte à recruter des centurions en chemin ou même des vierges vespales comme le propose la tradition.

De toutes façons, nous ne pouvons qu'y arriver, car un grand sage m'a dit un jour que tous les chemins menaient à Rome.

Bon, tu mets les sacs sur ton dos et tu tires la charrette.

Moi, je m'assure que la route est dégagée...

Matériel

La boîte de jeu de Fortuna se présente sous une forme carrée, avec une illustration de couverture réussie, dont le grain toilé, au toucher -et le dessin y invite- est des plus agréable.

On retrouve les informations de base (âge conseillé, durée, nombre de joueurs) sur chacune des tranches de la boîte, tandis que le nom des auteurs est lui mis en évidence sur le recto et le verso de ce joli contenant.

L'illustrateur devra pour sa part se contenter de son nom sous la photo du matériel de jeu proposée au verso, juste au dessus de la petite histoire, présentée en trois langues, nous permettant d'entrer dans le thème du jeu. C'est déjà ça, sachant qu'il faut parfois attendre les crédits de la règle du jeu pour connaître le nom de celui qui est aux pinceaux.

Bon, on soulève le couvercle et on met de côté les livrets de règles, justement, sur lesquels nous reviendrons dans la seconde partie de cette critique.

On découvre alors le plateau de jeu et les quatre plateaux individuels, tous bien épais et tout autant magnifiquement illustrés que lisibles. Sur les miens, on notera une découpe pas très régulière, mais on ne s'en aperçoit vraiment que si on fait un état des lieux minutieux.

Viennent ensuite les cartes du jeu, dont on appréciera les dessins, sans pour autant tomber des nues (non, les vestales ne sont pas nues, d'ailleurs, je vous encourage à aller lire sur le web l'origine de cette expression) devant leur beauté. Au toucher, leur effet "plastifié" ne laissera pas de marbre, les joueurs appréciant ou n'aimant pas du tout ce type de cartes.

Restent, dans leur sachet zip empêchant de tout faire tomber suite à une ouverture de boîte malencontreuse, les pions, dés, disques et autres cubes nécessaires pour pouvoir jouer.

Rien à redire dessus : bien, sobre, efficace.

On pourrait signaler un thermo en carton souple aidant au bon rangement mais ne semblant pas solide, mais un thermoformage, ce n'est pas en carton, mais en plastique : n'en parlons donc pas.

Le bilan reste finalement correct, voire bon, mais pouvait être amélioré. Il reste tout de même engageant et encourage à découvrir le jeu.

Règles

Les règles du jeu sont présentées en diverses langues, dont le français.

Elles tiennent en 4 pages auxquelles s'ajoutent une feuille présentant la mise en place du jeu sur une de ses faces et un résumé de jeu ainsi que la présentation de chaque carte action sur l'autre.

Quelques fautes d'orthographe et des tournures maladroites n'empêchent pas d'assimiler facilement les mécanismes du jeu. Elles me font au final baisser ma note de 8 à 7/10 pour cette partie de ma critique.

Car tout ça est très bien présenté et illustré. Le jeu parvient également à se démarquer parmi le déluge de nouveautés mensuelles de par ses mécaniques, ne ressemblant pas à celles d'autres titres.

Ainsi, avant de vous les expliquer, attardons-nous sur la thématique.

Les joueurs endossent le rôle de romains ruraux souhaitant se rendre au sein de leur capitale, Rome. Et le plateau de jeu représente bien ça : chacun a son chemin, sur lequel il va avancer son pion pour tenter d'être le premier à atteindre le centre du plateau, où est représenté le palais de César. D'ailleurs, pour le décompte final, ceux qui ne seront pas entrés dans Rome ne pourront plus prétendre à la victoire.

Les joueurs jouent à tour de rôle. Leur première action est de mettre un cube d'eau sur leur aqueduc gratuitement si celui-ci est vide et bien entendu, s'ils l'ont construit (il existe quatre types de bâtiments, tous présents en X-1 exemplaires, X étant le nombre de joueurs).

Devant chaque joueur se trouvent trois cartes actions. A son tour, on doit jouer sa carte action (au premier tour, une de celles devant soit) puis en choisir une se trouvant chez un autre joueur. On la conserve face cachée, de façon à signifier qu'elle n'est plus disponible pour les autres joueurs : elle sera votre action du prochain tour. En échange, on place la carte action jouée ce tour-ci à la place de celle prise.

Forcément, comme on prend que chez les autres joueurs, la carte action donnée ne pourra être sélectionnée par le joueur la possédant devant lui. Ainsi, on choisit au mieux pour soi, tout en essayant de gêner les desseins des autres. Le joueur peut décider de sacrifier un centurion en sa possession pour jouer également une des trois cartes posées devant lui. Bien entendu, cette action s'utilise avec parcimonie car seule une des douze cartes action permet de recruter des centurions (une autre carte vous permet d'utiliser le pouvoir de n'importe quelle carte parmi celles posées devant les autres joueurs. Mais cette "corruption" a un coût financier qui vous y fera réfléchir à deux fois...).

Les autres cartes permettent de récolter une des trois ressources du jeu (blé, vin, eau), de les revendre, de devenir le prochain premier joueur tout en avançant vers Rome, de construire un bâtiment en payant son coût, de se marier (cette action a un coût, mais permet de rendre deux actions du jeu plus puissantes quand vous les jouez) ou encore d'obtenir des vestales ou d'en sacrifier pour avoir droit à un dé supplémentaire lors de la phase suivante.

Lors de cette seconde phase, on lance donc un dé, ou deux si une vestale vous a octroyé son bonus. Le résultat vous annonce quelle faveur vous allez pouvoir réclamer. Si par exemple vous avez fait "4" au dé, vous pourrez réclamer n'importe laquelle des 4 premières faveurs.

Et comme chaque faveur réclame une ressource, un centurion, une vestale ou demande à être marié, et que de plus on ne peut choisir une faveur déjà prise par un autre joueur (d'où l'intérêt d'être premier joueur), qu'il n'est pas une bonne idée de réclamer une faveur quand on n'a pas ce qui est nécessaire en échange, cette phase là est tout autant tendue que sournoise.

Et comme si ça ne suffisait pas, un autre mécanisme va encore rendre le choix plus riche, plus complexe. En effet, comme dans d'autres jeux, toute carte choisie par aucun joueur se voit attribuer en fin de tour un jeton (max 3). Quand on choisit une carte avec des jetons, on pioche autant de cartes privilège et on en conserve une. Ces cartes peuvent vous offrir des ressources durant la partie, vous faire avancer vers Rome ou encore vous donner des points de victoire bonus en fin de partie sous certaines conditions.

Pour en revenir aux cartes faveur, leur bonus vous permet d'avancer vers Rome, tout comme la carte "premier joueur", qui est une des douze cartes action.

Dès qu'un joueur atteint Rome, il pioche trois cartes "privilège" et en conserve une. Si avant la fin du tour aucun joueur ne le rejoint, il remporte la partie. Dans le cas contraire, le second arrivé regarde les deux cartes restantes et en prend une, et ainsi de suite. Parmi les joueurs arrivés à Rome, on regarde qui l'emporte : chacun marque 1 point par case du chemin parcourue (entre 10 et 15, dix étant le minimum pour entrer dans la capitale) et ajoute les éventuels points bonus des cartes "privilège".

Le jeu fixe un maximum d'argent (on ne peut avoir plus de 20 pièces dans sa bourse), l'argent gérant aussi les seconde, troisième et quatrième places (le joueur ayant la carte "Fortuna" joue en premier, puis le plus riche parmi les autres joueurs et caetera) et acheter des vestales ou des centurions quand on en a déjà en stock est plus onéreux.

Voilà, à quelques détails près, vous savez tout et pouvez jouer. On reconnait certaines idées et mécanismes déjà connus, mais globalement, le jeu propose vraiment quelque chose de nouveau, et de prenant dans la pratique. Un bon bilan pour cette partie là...

Durée de vie

La durée d'une partie de Fortuna semble idéale, et les tours de jeux étant nerveux, on ne s'ennuie pas, d'autant plus que tous participent au tour de jeu du joueur, vu que chacun de ses choix va influer sur les possibilités de ceux qui joueront après lui.

Un peu de hasard et une interaction savamment dosée s'ajoutent à la stratégie que les règles du jeu imposent.

Ces deux critères sont d'ailleurs essentiels tant le jeu semble figé à la base, et pas assez riche de possibilités pour s'autoriser à un grand nombre de stratégies : sans cette incertitude d'avoir à disposition à son tour l'action escomptée, on pourrait jouer chaque partie à l'identique.

Et si, lors de la mise en place initiale, les cartes actions sont posées de façon aléatoire (ou pas, selon la variante utilisée), on ne peut pas dire que cela change réellement le jeu, si ce n'est dans le premier choix d'action. La valse des cartes, dansant d'un joueur à l'autre faisant de toute façon alterner les emplacements de chaque carte action avec une récurrence folle.

Ne cherchez donc pas une grande profondeur dans ce jeu, et à y enchainer les parties, vous risqueriez d'avoir un peu trop rapidement l'impression d'en avoir fait le tour.

Et ce ne sont pas les cartes privilèges et leurs points bonus, vous demandant d'axer un peu différemment vos choix pour les optimiser, qui vont changer la donne. Vous pourriez même finir par penser que leur pioche pourrait bien au final déterminer le vainqueur, bien plus que les lancés de dés, qui eux sont dans la pratique un bon bol d'air apporté au jeu.

Le conseil de Jedisjeux

La configuration à quatre joueurs est essentielle pour tirer le meilleur du jeu.

Si vous ne sortez pas trop souvent le même jeu, foncez. Si par contre vous êtes de ceux qui aimez user jusqu'à la corde un jeu, vous risquez de vite en faire le tour, puisque tous les chemins mènent à Rome...

Avis de la rédaction

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Fortuna est un jeu très plaisant à pratiquer. A mes yeux, il fait partie de ces "poids moyen", à la frontière des jeux familiaux et de ceux orientés pour les joueurs expérimentés. Les mécanismes utilisés sortent de l'ordinaire et hasard, choix douloureux et interaction répondent présents au rendez-vous, chacun apportant l'équilibre parfait pour créer une bonne dose de ludique. On regrettera que le jeu manque de profondeur ou de rejouabilité et que sa configuration à quatre joueurs soit essentielle pour en tirer le meilleur. Comme expliqué plus haut, si vous ne sortez pas trop souvent le même jeu, foncez, mais si vous êtes de ceux qui aimez user jusqu'à la corde un jeu, vous risquez de vite en faire le tour, puisque tous les chemins mènent à Rome...
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Il y a 1 commentaire

jedisjeux
By Krissou | 11 mai 2012 à 11:09

Très sympa, mais je le déconseille fortement à 2 joueur, il n'est pas du tout agréable dans cette configuration.