Critique de Maitres couturiers

Il se prénomme Roco, on le surnomme Rokoko. Il aurait pu être plombier, mais a préféré s'intéresser à la couture.

Faut dire qu'on est à Versailles, sous Louis XV, et à cette époque, il fallait mieux faire des robes que souder des bouts de tuyaux.

On va donc intéresser à ce jeu qu'est Maître Couturier, alias Rokoko en version allemande. Un jeu au thème peu courant, qui est celui de la couture de robes. Faut dire que c'est pas ça qui excite le plus le geek, qui est le cœur de cible de ce jeu.

Matériel

Le matériel a tout de suite un défaut pour moi, qui va être une qualité pour d'autres : il est illustré par Michael Menzel.

C'est la raison pour laquelle cette critique arrive si tard, je ne me suis intéressé que tardivement au jeu. Ça, plus le thème qui ne m'emballe pas des masses, on a droit à un habillage qui ne m'attire pas plus que ça. Bon, goûts personnels mis à part, le style graphique rajoute un peu de punch à l'univers du jeu. Le thème de la couture semble parfaitement coller au jeu, même si à l'origine, il s'agissait de fabriquer des cercueils (quelque part, on reste dans l'habillage :)).

Il a fallu qu'un ami me sorte ce jeu pour que j'ai envie de rejouer car il s'avère être une tuerie !

Mais bon, passons, cette partie n'est pas là pour parler des mécanismes, mais du matériel, et c'est bien là le défaut du jeu.

Il est très détaillé, coloré, bien dans le thème rococco, il n'y a pas à dire !

Sauf que, quand on a un plateau avec plein de couleurs, les yeux ont tendance à mélanger, et à cause de ces couleurs, on perd en fluidité et en concentration. Pour un jeu de cette gamme, c'est vraiment dommage.

Outre ce petit problème inhérent à l'illustration, on pourrait lui reprocher une ergonomie qui ne simplifie vraiment pas les décomptes : on pose les robes au milieu du plateau avec un pion dessus pour noter la possession. Il y a quatre couleurs de robes... et manque de bol... ce sont aussi des couleurs des joueurs, dans les mêmes tons. Ceci rajoute encore plus de confusion à l'ensemble, ce qui n'aide vraiment pas.

Je pense qu'il aurait été plus judicieux de modifier la règle du feu d'artifice de la fin et de garder les robes louées devant soit.

Je vais quand même noter des points positifs dans ce matériel, car il y en a. Les cartes et tuiles ont une iconographie qui est claire et simple. Ce qui est bien plus important que les petits problèmes que j'énonce auparavant. On n'a pas besoin de mettre le nez dans l'aide de jeu pour connaître le rôle d'une carte.

Règles

En plus d'être un digne héritier de Dominion, ce jeu est certainement un héritage des Stephan Feld, de par sa façon de jouer et du nombre de bonnes actions possibles par tour.

L'interaction entre les joueurs est terrible car il y a des courses à tous les niveaux, courses auxquelles on a envie de participer. Et pourtant, à la lecture des règles, on a du mal à cerner autant de subtilité dans le jeu.

En gros, on découpe le tour en deux phases.

La première, on choisit 3 cartes parmi celles qui n'ont pas été jouées, puis on effectue les actions correspondantes à ces cartes.

Il y a trois types de cartes :

- Les maîtres qui savent tout faire.

- Les compagnons, qui ne sauront pas embaucher (prendre des cartes) et ne pourront pas coudre toutes les robes.

- Les apprentis qui sont fortement limités dans leurs actions, notamment, ils ne peuvent pas coudre du tout, ni aller voir la reine. Il leur reste la possibilité d'être expulsés (oui oui, c'est une action et ça rapporte des sous. Capitalisme, quand tu nous tiens), d'aller chercher du tissu pour coudre ou de poser des embellissements.

Chaque carte a, de plus, une action bonus qui permettra d'orienter sa partie vers une stratégie.

Le jeu est un jeu de gestion de ressources assez classique en somme : on achète des ressources pour les transformer en points de victoire. Mais la gestion de la main, sous forme de mini deck building en fait un jeu d'une saveur toute différente. À cela, on ajoute différents bonus de points de victoire comme une course à la présence dans toutes les salles de balle ou des majorités. On a là tous les ingrédients d'un grand jeu.

Durée de vie

Maître couturier est un jeu qui a une courbe d'apprentissage assez intéressante.

Il faut bien 3-4 parties pour comprendre tous les rouages du jeu, et à mon avis, une bonne dizaine avant de tout maîtriser.

On est loin des grands jeux comme Agricola ou Puerto Rico, mais largement au-dessus de la production habituelle dans ce style de jeu. D'autant qu'entre joueurs de même niveau, le jeu se révèle être une perle, et il n'est pas dit qu'on puisse atteindre les 50 parties de ce jeu sans s'en lasser.

Et moi, j'aime bien les jeux qui s'apprennent, dont les sensations sont différentes d'une partie à l'autre, alors forcément, j'apprécie Maïtre Couturier peut être un peu plus qu'il ne le mérite et je le montre !

Le conseil de Jedisjeux

Le jeu à trois joueurs a le mérite d'exister, mais il manque de punch. Le jeu à cinq est certainement le plus intéressant, et le plus tendu.

Ceci dit, il a beau être tendu, il rendra l'apprentissage plus rapide, car il n'y a que quatre cartes disponibles, la reine devient d'autant plus utile dans cette configuration. On s'aperçoit qu'en n'ayant pas une carte à chaque tour, on arrive tout aussi bien à jouer, voir mieux.

Le choix des cartes est alors crucial, consulter l'aide de jeu pour savoir ce qui arrive devient important dès la troisième partie (avant, on apprend plus les mécanismes).

Il faudra aussi bien choisir sa stratégie et l'adapter à ce que font les autres. Il n'y a que deux façons de marquer des points, à savoir les embellissements et la couture, mais il y a une bonne dizaine de façons d'y arriver.

Lors de la première partie, il vaut mieux se concentrer sur la couture, avec une main d'au moins 8 cartes. Il est possible (et diablement efficace) de jouer avec une main de 5 cartes ou moins, mais cette tactique demandera de bien connaître le jeu. Dans tous les cas, la main de 6 cartes doit être une phase transitoire qui se doit d'être la plus courte possible (ne pas avoir le choix des armes pour le tour va peser de plus en plus sur le jeu).

Avis de la rédaction

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Bien que desservi par un plateau qui est très difficile à lire, ce jeu se révèle être un grand jeu. La première partie, le jeu est intéressant, mais on se demande si on va pouvoir y jouer beaucoup. C'est un jeu qui a beaucoup de règles, on sent qu'il y a du potentiel, mais on se dit qu'il va vite tourner autour des deux axes de points de victoire. Lors des parties suivantes, on teste des choses et il se révèle bien plus riche qu'il n'y parait de premier abord. On néglige souvent l'action de virer des gens, et pourtant, cette action est puissante, car elle permet un apport d'argent très utile. L'embauche de nouvelles cartes est cruciale dans la quête des points de victoire. Il faut sans cesse gérer les différentes courses dans le jeu. Aucun choix n'est mauvais, pour peux qu'on sache en exploiter les bénéfices. Le jeu à trois joueurs n'est pas exceptionnel. On retrouve les mécanismes du jeu, mais l'abondance de choix dans les cartes fait qu'on se retrouvera avec beaucoup de ressources au final. Les tactiques avec peu de cartes sont donc beaucoup moins efficace. On n'a plus le même jeu, et je le déconseillerais aux débutants car cela va leur donner de mauvais réflexes et ils vont se sentir frustré dans le jeu à 5 qui est le plus intéressant. Autant jouer directement dans la bonne configuration, quitte à prendre plus de temps pour la première partie, les suivantes n'en seront que plus appréciées. Ce jeu est une vraie perle, un de ceux qui me font penser qu'Essen 2013 était un des meilleurs crus que cette décennie ait connue. Le jeu de gestion de poids moyen a encore de beaux jours devant lui.
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