Ce que vous allez endurer ci-après est un ressenti après une première partie de Lewis et Clark faite par un joueur, avec des joueurs, pour des joueurs !
Ce n'est pas un test (le test du jeu ici) et tous les avis exprimés le sont à chaud après une seule partie à quatre joueurs ! Enfin je tenais à préciser qu'aucun Indien n'a été blessé ou maltraité dans l'exercice qui va suivre.
A l'ouest...
J'ai rarement vu un plateau qui cache aussi bien son jeu que ce Lewis et Clark. C'est une certitude, sous couvert de l'expédition vers l'Ouest menés par Meriwether Lewis et William Clark en 1803, monsieur Cédrick Chaboussit nous démontre qu'il possède un degré de perversité ludique hautement avancé !
La première impression, comme ça, à chaud en voyant la boite et au dos, c'est du genre : « tiens, un petit jeu avec des petits indiens, c'est miiiignon ! ». La boite ne parait pas bien grosse de prime abord. Le copain a installé le jeu avant qu'on arrive, tout ça semble gentil, une petite piste de course avec de l'eau et des montagnes, des petites cartes, des petits indiens avec des meeples indiens tout mignons, on se dit que ce sera une petite course, un peu gentille, sympathique, avec des gens de bonnes familles...
Mais une fois l'explication des règles faite et que les premiers tours s'enchaînent, la vérité nous frappe comme un tomahawk neuronale, on a sous-estimé ce jeu, sa difficulté, ses mécanismes et sa pilosité. Les indiens sont velus et ils vont nous en faire baver, nous blanchir les derniers cheveux qu'il nous reste à défaut de les scalper ! On comprend qu'on va rester assis un moment sur sa chaise, 4 heures de phosphorisation sur le thème philosophique mais pas que : « A l'ouest, rien de nouveau…ou pas. »
Le matos
Beau, efficace, suffisant, clair, ces adjectifs s'appliquent au matériel de ce jeu. Mais ce serait réducteur. Ludonaute nous livre ici un véritable parangon d'intégration entre l'histoire que raconte le jeu et le matériel. Parce que le jeu raconte véritablement une histoire, une aventure. Et on revit la course en même temps que les innombrables personnages sur les cartes, pour lesquels un descriptif de règle et d'histoire figure dans le livret. C'est intelligent, immersif, culturel. Chapeau.
Le bon goût ira jusqu'à la création du petit meeple Indien très bien modélisé. Le plateau quant à lui, est clair, il n'y a pas de score, juste les cases de la course à parcourir, un emplacement pour les cartes et un autre pour les indiens dans leur village.
A noter que si vraiment vous êtes un sadique, vous avez la possibilité de modifier la piste de course en changeant l'eau et les montagnes de place (je vous le déconseille fortement lors de votre première partie, mais on s'est dit que ce serait drôle de mettre 1 montagne de part et d'autre de la case de départ sur la piste de la course :p)
Mention très bien donc pour Ludonaute qui a pris le parti de l'immersion et qui ne s'est pas trompé.
Les premiers tours
L'explication des règles est assez simple, exception faite de la partie où on établit son camp. Là il faut s'assurer que tout le monde a bien compris parce que cette action sera la plus importante de la partie ! On ne s'en rend pas compte tout de suite lors des premiers tours. D'ailleurs, il y a assez peu de mouvements sur les premiers tours, chacun cherchant à acquérir des cartes intéressantes.
Alors pourquoi ce jeu est pervers ?
Explications :
1. La première perversité de ce jeu est dans l'acquisition des ressources. A chaque carte que l'on pose, on sacrifie une autre carte pour la force, puis on se sert des ressources de nos voisins pour en acquérir plus (ou pas, le choix est important), ce qu'il y a avec ce fonctionnement, c'est que mes fourbes voisins en ont conscience et qu'ils peuvent établir leur camps, reprenant leurs cartes et désorganisant donc les petits plans qu'on s'était fait ! L'action que vous allez effectuer n'aura pas la même puissance, en fonction de sa force et de votre entourage immédiat, entourage qui change à chaque tour ! On est sans arrêt en train de repenser ce qu'on a déjà pensé !
2. La deuxième perversité de ce jeu, c'est la gestion des cartes. Une carte vous sert à faire l'action qui est dessus, mais a également une force (de 1 à 3 indiens) qui peut servir pour d'autres cartes. Bien sûr, plus une carte est intéressante, plus elle est forte. De ce fait à chaque fois, il vous faut choisir entre l'action ou la force de la carte. C'est cruel ! Personnellement, j'ai joué une bonne partie du jeu uniquement avec 6 cartes, remplaçant celles de base par des cartes plus puissantes.
3. Enfin la troisième (mais non exhaustive) perversité de monsieur Chaboussit, c'est de nous obliger à établir notre camp, celui-ci faisant foi sur la piste de la course. Et là, c'est le drame ! Parce que vous pouvez roxxer avec votre éclaireur, foncer sur l'eau comme un espadon lunaire, il vous faudra tôt ou tard vous poser. Et c'est là que vos cartes, indiens et ressources peuvent vous faire reculer… Votre bel éclaireur se prend alors une lame de fond, recule, recule, et recule encore avant d'établir votre camp (notons au passage le « saute-mouton » qui peut faire mal !).
Il faut sans cesse avoir un œil sur les actions que l'on veut réaliser et les ressources nécessaires pour les réaliser. Si on en prend trop, on le paye. En cela réside une des principales originalités de ce jeu. La cigale gagne, la fourmi perd ! A moins que la fourmi ne suive une sombre machination machiavélique se révélant ultime lors du tour suivant.
Les derniers tours
C'est là que la matière grise de votre cerveau, déjà mise à mal précédemment, commence à fondre… Les derniers tours sont tendus à souhait, chaque action compte, chaque fois que vous allez poser des cartes, la partie peut se jouer, il faut maintenant en plus de votre jeu, porter un œil sur vos concurrents, combien de cartes leurs restent-ils, combien de ressources, combien d'indiens ? Peuvent-ils finir maintenant ? Faudra-t-il qu'ils reprennent leurs cartes en établissant leurs camps avant ?
Mais pour autant il faut vous poser les mêmes questions ! Parce que ce n'est pas tout de franchir la ligne d'arrivée avec l'éclaireur, pour gagner il vous faudra établir votre camp derrière ! La moindre petite erreur peut coûter cher !
En ce qui nous concerne, j'ai gagné la course en établissant mon camp sur la toute première case après la ligne de départ ! Autant vous dire que je suais des gouttes grosses comme des rognons d'bisons ! Comptant, calculant et recalculant l'ensemble de mes actions avec leurs forces et de combien j'allais reculer en établissant mon camp…
C'est CHAUD !
Concluons
Cette partie fût pour le moins très belle. Nous avons encore traversé une Warp zone, nous asseyant à table à 21H30, pour relever la tête à 1H du matin, épuisés mais ravis !
Lewis et Clark se joue dans la rentabilité, dans la tension, dans le bon choix au bon moment. Il se joue sur les cartes, et vous n'en aurez pas 50, les places dans votre main seront chères ! Il ne faudra pas hésiter à se débarrasser de cartes pour en prendre de meilleure ou pour augmenter le nombre de rotation de votre camp.
A titre personnel, j'ai plutôt choisi cette voie, fonctionnant avec 6 cartes pendant longtemps pour passer à 8 à la fin. J'ai pris 2 cartes de force 3 au début, pas nécessairement rentable en début de partie pour leur action, mais pour leur multiplicateur... puis qui furent appréciables en fin de partie pour leur action.
On pourrait croire qu'il y a une part de chance suivant la sortie des cartes, mais je ne pense pas. Les cartes sont suffisamment nombreuses, diversifiées et puissantes pour établir des stratégies différentes.
Enfin voilà, un jeu sur lequel il faudra revenir, un jeu velu comme un bison, tendu à souhait qui part bien pour le prix de la pilosité et de l'originalité 2013.