Critique de Im Schatten des Kaisers

« A l’Ombre de l’Empereur » (je donne la traduction afin d’éviter que de vils plaisantins n’en viennent donner une version fallacieuse) est un jeu qui brille par nombre d’aspects fort originaux : déjà, c’est un des rares jeux allemands qui aient pour thème l’histoire de l’Allemagne.

Ensuite, on y tue des gens, en les empoisonnant notamment (une version édulcorée des évènements affirme qu’on les envoie plus tôt que prévu en maison de retraite)

Enfin, et c’est sans doute le plus important, les mécanismes innovent discrètement mais très subtilement : par exemple, on a affaire là à un jeu de majorités qu’on pourrait qualifier de dynamique.

Et un jeu de majorité dynamique implique un jeu lui-même dynamique (et pouvant laisser perplexe lors des premières parties).

Matériel

La dominante jaune, si elle a eu pour vertu d’attirer le regard de votre serviteur, a en général un effet de repoussoir sur la plupart des gens.

Les illustrations sont plutôt naïves, mais finalement d’une façon assez cohérente avec le thème (je ne veux pas dire par là que les empereurs du Saint Empire Romain Germanique étaient plus naïfs que les autres, non).

On a un beau mélange de bois (assez peu), de carton et de cartes qui une fois en jeu donnent un aspect plutôt sympathique à l’ensemble, pour peu qu’on soit sympathique soi-même évidemment (tenez-vous le pour dit).

Par contre, il y a quelques petites imperfections sur le plan pratique : les cartes de points ont tendance à glisser de l’emplacement qui leur est dévolu sur le plateau et, avec des personnes maladroites, cela peut perturber le cours du jeu, certaines provinces étant susceptibles d’être affectées par un tsunami de cartes.

Les pions des nobles souffrent d’une imperfection d’impression : parfois, lorsqu’on marie un noble, il faut le retourner comme une crêpe, d’autre fois, comme la page d’un livre afin de lui faire conserver le même âge (parce que le mariage n’est pas censé faire vieillir).

Les pions en carton qui servent à mémoriser les finances du début du tour font confettis (sans compter le fait que leur utilité est contestable).

Mais las !

Le thermoformage est parfaitement réussi, comme souvent dans les boîtes de "Hans im Glück": tout trouve bien sa place et bénéficie d’un bon maintien, même lors des retournés acrobatiques de la boîte.

Règles

On a donc affaire ici à un jeu de majorité dynamique : en effet, pour récolter des points, il ne s’agit pas de se maintenir majoritaire dans une province, mais il faut le devenir.

Le but sera donc à la fois de se maintenir dans ses anciennes provinces (afin d’éviter que d’autres ne devienne majoritaires et par conséquent gagnent des points), tout en en conquérant, pardon, en se faisant élire dans de nouvelles provinces.

Et ce n’est évidemment pas chose aisée, vous vous en doutez bien.

Pour être majoritaire dans une province, on peut construire des villes qui coûtent cher mais qui jouent un rôle dissuasif, bien que leur inconvénient soit qu’elles ne sont pas mobiles (pour une ville, c’est un minimum).

On dispose de chevaliers qui sont très pratiques, très mobiles, mais, étant d’un rang inférieur dans la hiérarchie nobiliaire, risquent de se faire écraser par des barons.

Et enfin, le gros des troupes consiste en un cheptel de nobliaux qu’il faut gérer au mieux : il faut les marier (car un couple pèse deux fois plus dans l’échiquier politique qu’un vieux barbon célibataire), les faire se reproduire, gérer leur vieillissement : gare à celui qui se retrouvera avec un cheptel amoindrit au dernier tour.

Rien ne vaut une bonne cure de jouvence, mais les médecins qui en sont capables sont rares et certains sont parfois utilisés pour faire au contraire vieillir hâtivement les roitelets.

Vous l’aurez donc compris, l’originalité de ce jeu réside dans le fait que l’équivalent des cubes des jeux de majorité vieillissent, se marient, ont des enfants (qu’ils envoient au couvent si personne n’en veut et si ce sont des filles, bien sûr), bref, ils vivent, quoi !

Ensuite, comme ces gens-là vivent et qu’il faut en permanence trouver de nouvelles majorités, ils vont avoir la bougeotte, n’hésitant pas à déménager (les cartes permettant de le faire sont essentielles), à aller trouver des épouses à l’étranger, à anoblir des chevaliers pour les soutenir, etc...

Une dernière chose : il y a une erreur de règle dans la version anglaise mais, honte sur moi, je ne sais plus laquelle.

Affaire à suivre...

Durée de vie

La seule part de hasard de ce jeu se situe au début: la détermination de l’Empereur pour le premier tour.

Après, tout est visible (sauf les points de victoire récoltés mais il suffit de savoir compter et d’avoir de la mémoire): on ne cache rien à personne, sauf ses intentions!

Un bon point de comparaison à ce niveau serait "Caylus", par exemple (mis à part l’absence de piste de scores).

Le renouvèlement des parties tiendra donc uniquement de la façon de jouer des gens mais il est fort vraisemblable que l’écueil du jeu stéréotypé soit facilement évité, tant les possibilités de ce jeu sont importantes.

En outre, rien n’est jamais acquis à ce jeu : un bon départ ne donne pas la victoire, et inversement.

Enfin, la phase des élections peut donner lieu à d’épiques tractations, surtout à 4 car à moins, cette phase devient beaucoup plus mécanique (à deux elle l’est complètement).

A ce propos, et c’est la marque des grands jeux, selon le nombre de joueurs, la façon de jouer ne sera pas la même, les problématiques et les défis seront différents.

Alors si vous vous lassez du jeu à quatre, il vous suffit par exemple de vous débarrasser d’un de vos joueurs !

Un accident est si vite arrivé...

Je plaisante, les joueurs sont précieux, il est bon de les conserver.

Le conseil de Jedisjeux

Pour profiter pleinement de la phase d’élection, qui est assez essentielle au jeu, on ne peut que conseiller de jouer à 4.

En outre, c’est là que toutes les provinces seront en jeu, et comme elles ont toutes leur petite caractéristique attachante (Ah, la douceur de vivre à Mayence ! Oh, le bon air frais de Trêves !), et bien ma foi, autant jouer avec toutes.

Sinon ce jeu est vivement à recommander aux allergiques de tout poil et de tout crin au hasard : il n’y en a pas l’ombre d’une goutte; alors s’ils perdent, ils ne pourront pas râler.

Mais bien sûr, la possibilité de faire des alliances, de trahir des promesses (électorales notamment), en fait également un bon candidat pour les amateurs de jeux où ça parlemente, où ça négocie sec.

Les gens qui aiment tout cela en même temps seront bien évidemment comblés.

Avis de la rédaction

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