Critique de Opera

Opera nous a été proposé lors du salon d'Essen 2009. Dans cette cacophonie de nouveautés ludiques, l'éditeur néerlandais qui présentait le jeu n'a pas réussi à le mettre autant en avant que d'autres jeux aux thèmes dont on connaissait pourtant déjà bien la musique. On était donc en droit de ce demander si le jeu allait nous enchanter ou si sa mécanique allait sonner faux.

Bref, tentons de voir ensembles si dans Opera la magie opère...

Matériel

Le matériel du jeu compose très bien avec le thème: il est tout simplement classieux. Certains pourront ne pas être attirés outre mesure par l'illustration de couverture mais s'ils font fis de cela et soulèvent le couvercle, ils découvriront de quoi les ravir.

Car l'intérieur de la boîte nous révèle un splendide matériel. Même les compartiments servants à bien ranger le tout sont très joliment décorés.

Au programme des festivités : un plateau de jeu, des pions et des tuiles à profusion et une bien belle symphonie de couleurs.

Seule ombre au tableau: le jeu comporte également des pièces de monnaie, d'aussi belle apparence et bonne qualité que le reste des composants mais cependant, celles de valeurs "1", si elles sont en nombre suffisant pour pouvoir en donner 5 à chaque joueur et ainsi avoir la monnaie qu'il faut derrière son paravent, obligent régulièrement à chacun de faire la monnaie pour ne pas gêner les autres. Ca gâche le plaisir et par moment hache le jeu.

Et même si ça peut paraître minime, vu que ça impacte le plaisir ludique, le jeu ne peut obtenir la note maximale sur le point du matériel.

Règles

Ce qui surprend le plus avec Opera, c'est qu'on a un gros jeu, bien long et bien solide (comptez 3 heures pour votre première partie à quatre joueurs, explication des règles comprises).

Pour autant le livret de règles ne fait que quelques pages, très bien expliquées et illustrées.

Aucune fausse note à signaler d'ailleurs, puisque vous n'aurez aucune difficulté à vous priver de ce livret dès votre première partie : les phases et mécanismes sont simples et le plateau très lisible.

Le seul reproche que l'on pourra faire au jeu sera de ne rien proposer de nouveau: ceci semble ressembler à cela tandis que tel mécanisme a été vu (à quelques variables prêt) sur tel autre jeu.

On aura donc droit à chaque début de tour à une sorte d'enchère à poings fermés (comme beaucoup de jeux), qui désignera plus ou moins l'ordre du tour à la manière d'un Thèbes. Avec l'argent misé et celui gardé en réserve, on recrutera certains personnages, soit rien que pour soi (assez traditionnel) ou pour chaque joueur, le joueur principal ayant le privilège (oui: on pense à Puerto Rico et tant d'autres) de profiter de la capacité en premier, les autres ayant moins de choix mais payant généralement moins cher.

Les personnages servent à construire des halls d'opéra, à acheter des opéras que l'on va placer dans ces halls (on pense à L'année du dragon), à vendre des opéras (mais pas ceux déjà présents : oui, oui: on pense une fois de plus à Puerto Rico), à faire fluctuer la valeur des compositeurs (selon un principe vu dans Maharaja), à doubler les recettes d'une ville (les halls se trouvent dans différents villes) ou à provoquer des décomptes intermédiaires...

A chaque fin de tour on gagne de l'argent selon le nombre d'opéras que chaque joueur joue dans chaque ville. Tous les trois tours, un décompte a lieu (El Grande et Dynastie proposaient déjà ça) et à la fin du troisième décompte, c'est à dire au bout de neuf tours, un gagnant est donné: ce sera celui qui aura fait jouer dans la partie principale de chacun des opéra de ses différentes villes le compositeur le plus en vue. Chaque hall vide durant la partie fera perdre des Pv durant les décomptes: il faut donc remplir ces derniers (d'autant plus qu'on ne récolte de l'argent qu'ainsi) même s'ils ne donnent pas de PV à proprement parler.

Vous connaissez donc la musique: il est très classique, cet opéra.

C'est d'autant plus dommage que le dernier tour peut paraître un peu fade, certains personnages devenant inutiles et le décompte final oubliant de récompenser les finances, qui, si elles viennent à manquer lors des premiers tours, sont trop importantes par la suite (on fait ce qu'on veut: c'est l'ordre du tour et les choix des personnages pris qui devient alors important).

La règle est donc bonne mais en demi-teinte: bien écrite et vite assimilée, elle n'apporte rien de nouveau et souffre de quelques imperfections faisant perdre de sa saveur au(x) dernier(s) tour(s). Mais ça tourne, il est vrai. Comme du papier à musique.

C'est bien comme ça qu'on dit ?

Durée de vie

C'est ici que le bâts blesse. Car si le jeu demande bien à réfléchir, il n'en demeure pas moins qu'il propose peu de variété et de choix déchirants.

En effet, la seule variation de début de partie est la valeur de base des compositeurs, qui n'a aucune incidence sur le jeu (j'entends par là que ça ne change rien à la tactique que Vivaldi soit prisé ou pas en début de partie: certaines tuiles compositeurs vaudront plus d'argent à l'achat et rapporteront plus de Pv que d'autres, voilà tout). A cette dernière s'ajoutent les tuiles opéra à acheter à chaque tour, tirées aléatoirement. Il se peut que certains tours proposent des opéras un peu plus courus (et donc chers) que certains autres, mais ça n'altérera pas réellement la diversité des parties.

On n'enchainera cartes pas les parties non plus, puisque le jeu est tout de même d'un fort beau gabarit, mais force est de constater qu'une fois les tenants et les aboutissants en main, on ne sera pas bien loin des choix mécaniques: ne restera que le léger dilemme sensé faire tout le sel du jeu, à savoir "quel personnage recruter maintenant, quitte à laisser tel autre à tel joueur qui n'attend que ça".

La rejouabilité d'opéra ne sera pas son point fort, d'autres jeux de même type pouvant bien plus vous surprendre au fil des parties.

Le conseil de Jedisjeux

Lors des premiers tours, n'essayez pas de marquer des PV à tout prix: votre objectif doit être pécunié. Il vous faut penser à faire monter vos finances au plus vite pour ensuite peser plus fort sur le jeu, prendre la première place dans l'ordre du tour et continuer à vous étendre.

Sans parler de "win to win", un joueur qui prendra un retard financier sur les autres ne pourra plus jouer pour la première place et pourra passer 3 ou 4 tours à se renflouer dans la douleur, ne pouvant plus trop choisir son destin en devant se limiter à prendre ce que les autres n'ont pas voulu.

Avis de la rédaction

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Opéra est un bon jeu qui remplira son objectif premier: vous faire passer un bon moment. Pour autant, il aura du mal à vous faire vibrer totalement et à vous surprendre à chaque représentation. On retrouvera un peu à redire sur la plupart des phases et mécanismes qui en appellent à l'argent (à croire que musique et argent ne font pas bon ménage) et on se dira que s'il est plaisant à pratiquer, Opera pourrait tout de même avoir du mal à devenir votre nouveau violon d'Ingres ludique.
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