Critique de Alchemicus

Il n'y a pas que la troisième extension de Dominion à proposer de changer le plomb en or.

D'ailleurs, dans ce jeu originaire de Pologne, l'or ne sera pas le seul ingrédient que vous tenterez de transformer.

Premier jeu pour ce nouvel éditeur, Alchemicus parvient-il à transformer l'essai ?

Matériel

Alchemicus se présente dans une boîte en carton de qualité moyenne qui pourra vieillir un peu plus rapidement que les autres boîtes ornant vos étagères. De format carré, elle est légèrement plus grande et plus large qu'une boîte de la gamme des jeux pour deux joueurs de chez Kosmos. Normal, penserez-vous, puisqu'ici on peut jouer jusqu'à quatre joueurs.

Les illustrations qui y figurent sont pour leur part fort réussies et, accompagnées par les informations du dos et de la tranche du jeu, apportent un éclairage suffisant pour permettre de savoir à quel type de jeu s'attendre... tout en gardant assez de mystère pour donner envie de l'ouvrir, cette boîte. L'ouverture sort également de l'ordinaire et permet de s'assurer que le couvercle ne s'enlèvera pas de lui-même: peut être y a-t-il quelque chose à creuser de ce côté-là.

A l'intérieur on découvre un plateau de jeu qui se déplie en 4. Et si son verso est d'un vilain blanc immaculé, sa surface de jeu est des plus réussies : belles illustrations, lecture aisée et pictos assez parlants pour ne pas hésiter sur les capacités des différentes cases qui composent cette énorme roue (hommage à Mac Gerdts ?).

Cinq énormes pions, de près de 10 centimètres de haut, viennent nous surprendre. Mais l'étrange mixture qu'ils feront avec le plateau restera assez homogène.

Des tuiles comptabilisant les PV des joueurs complètent le matériel. Ces dernières sont traitées de la même façon que le plateau, avec un dos tout de blanc vêtu.

140 cartes viennent clôturer la liste de ce matériel. Si ces dernières n'ont pas ce fameux toilage tant apprécié, elles restent néanmoins de qualité correcte. Leurs belles illustrations (même celles représentant le dos des cartes sont réussies: tant mieux, certaines cartes se jouent face cachée) finissent par nous convaincre qu'un certain soin y a été prêté.

Le tout est consolidé par un thermo empêchant de trop bouger une fois rangé.

C'est loin d'être parfait mais pour un premier jeu d'un petit éditeur, c'est bien plus qu'acceptable, d'autant plus que la qualité du matériel, en dessous des normes habituelles, est compensée par de petites concoctions personnelles, de brillantes petites idées, qu'on apprécie ou pas, mais qui réussissent à surprendre, agréablement.

Règles

Autant le préciser de suite: si le matériel du jeu ne contient aucun texte, aucune règle du jeu en français n'est actuellement disponible. Il vous faudra donc au mieux maîtriser l'anglais.

Et bien que cette règle de jeu soit écrit dans un bon anglais, les termes utilisés peuvent parfois nuire à la compréhension. Si comme la plupart des joueurs comprenant une règle anglaise, vous ne maîtrisez la langue que partiellement, nous vous conseillons de lire celle d'Alchemicus en étant frais, pas fatigué et sans joueur à côté de vous pour vous presser de continuer l'explication.

Car les 8 pages en papier sur lesquelles ces règles sont expliquées, si elles proposent exemples et illustrations (tout en noir et blanc), ne sont pas faciles à retenir. Certains points précis ne sont pas mis en valeur (d'autres exemples et illustrations n'auraient pas fait de mal), et il vous faudra y retourner pour vous assurer d'avoir bien compris.

Ceci est regrettable car le jeu en lui même n'est pas bien compliqué et une règle plus explicite (ou une version française) permettrait d'éviter tous ces désagréments.

Quand on a enfin digéré la règle, on s'aperçoit que celle-ci reprend les grandes lignes d'autres jeux déjà existants. Elle couple principalement deux archétypes, jamais associés jusqu'alors: le système de la roue, cher à Mac Gerdts (qu'on retrouve dans Antique, Imperial ou Hamburgum) et ceux de jeux comme San Juan ou Race for the Galaxy qui consistent à jouer les cartes de sa main en en défaussant d'autres et à prendre depuis la pioche des cartes qui face cachée, représenteront les ressources produites par ces mêmes cartes posées devant nous.

Le système de jeu est donc le suivant: chaque joueur débute avec une main de cinq cartes et deux cartes de base posées en jeu (sachant qu'on n'a pas le droit d'avoir plus de 12 cartes posées en jeu, et autant de cartes en double qu'on le souhaite).

Pour entamer son tour, le joueur pioche une carte puis déplace son alchimiste sur la roue (composée de 8 cases) de 1 à 3 cases (ou jusqu'à 5 cases s'il est prêt à sacrifier 1PV) et fait l'action de la case.

Si le joueur a traversé la case "esprit de la transmutation" sans s'y arrêter, il a droit de piocher une carte.

Cette case a d'ailleurs deux autres particularités: elle est la seule ne pouvant accueillir qu'un seul alchimiste à la fois et elle permet de déplacer le pion "esprit de la transmutation" dans l'anneau intérieur (une sorte de petite roue, au centre de la grande et dans laquelle seul ce pion se déplace). La case sur laquelle ce pion se trouve empêche d'activer un type de carte particulier: les joueurs peuvent donc se mettre des bâtons dans les roues (d'autant plus qu'on ne vous expliquera pas la particularité de la carte "atelier", qui incite à l'interaction).

Les sept autres cases de l'anneau principal permettent de construire des bâtiments, de remplir ces derniers, de transporter les ressources d'un bâtiment à un autre, plus intéressant, de transformer les ressources en d'autres plus intéressantes également ou de gagner des PV ou des cartes en vendant ses ressources ou en défaussant des cartes de sa main.

Et mieux vaut bien gérer tout ça, vu que le premier à totaliser 20PV remporte la partie.

Les points se gagnent un par un. Seul un bâtiment permettant de créer de l'or peut rapporter 5PV quand on l'active... encore faut-il y arriver.

Rien de révolutionnaire dans tout cela mais un jeu qui tourne bien. Dommage qu'on n'ait pas l'impression que la recette soit vraiment nouvelle et qu'on ne puisse avoir à disposition qu'une règle en langue étrangère, tout en noir et blanc et peu évidente à la première lecture (notre première partie fut recommencée trois fois, chaque fois avec des règles plus qu'approximatives. Enfin, que voulez-vous : c'est ça de faire des expériences !)

Durée de vie

Si le jeu propose 140 cartes, il n'y en a que 10 de différentes.

De ce fait, il n'y a pas 36 chemins différents pour aller à la victoire. Et même si l'interaction oblige à tenir compte du jeu adverse, les parties se ressembleront assez toutes et risquent de faire baisser rapidement l'intérêt certain que procure pourtant le jeu.

Mais l'auteur avait remarqué la chose et la règle de base propose deux variantes, la première étant recommandée et rendant la pioche beaucoup moins aléatoire (quoique le peu de cartes différentes fait que l'aléa de la pioche est tout à fait relatif).

La seconde variante permet aux joueurs d'acheter les ressources de leurs adversaires et rend le jeu un peu plus agressif et interactif.

On a là deux bons ajouts, améliorant le plaisir ludique... mais pas tant la durée de vie.

Une autre variante, que l'éditeur a appelé "extension" est depuis peu proposée. Sans ajout de matériel, elle permet d'entrer plus rapidement dans le vif du sujet en ayant dès le départ plus de bâtiments en jeu (il était reproché que le début de partie était assez "automatique"; cette variante gomme ceci et abaisse la durée des parties). Vous pouvez la télécharger ici, sur le BGG.

On apprend sur le forum de ce même site que l'éditeur est à la recherche d'éditeur internationaux et qu'une seconde édition est en cours, proposant de nouveaux graphismes et deux jeux différents avec les mêmes composants : de quoi augmenter significativement la durée de vie, normalement.

En attendant de voir l'éventuelle nouvelle édition du jeu, on ne peut que saluer l'intérêt de la version actuelle tout en émettant un doute sur le renouvèlement possible du jeu.

Le conseil de Jedisjeux

Si le jeu ne comporte pas de texte et tant qu'aucun courageux n'a pris le temps de traduire le jeu, nous vous conseillons de vous procurer celui-ci que si vous êtes apte à en comprendre la règle anglaise (disponible sur le site de l'éditeur).

Reste ensuite à réussir à obtenir le jeu, car il est très faiblement diffusé, et l'hypothétique réédition le serait tout autant.

Et si nous vous avons effrayé en émettant un doute sur la durée de vie du jeu, celle-ci n'est pas non plus catastrophique et le jeu très agréable à jouer.

Il semble d'ailleurs facilement "extensionable"...

Avis de la rédaction

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Si Alchemicus demeure un bon jeu, agréable à jouer et joliment illustré, il peut souffrir d'un faible renouvèlement des parties. Difficilement trouvable, il n'a pas à rougir quant à la comparaison qu'on pourrait en faire avec des jeux du même acabit. Ses mécanismes n'ont rien de novateurs mais sont un mélange savoureux de ce qu'il se fait le mieux. On a donc l'impression de jouer à un San Juan ou un Race for the Galaxy sur plateau en version moins geek et où on ne se partage pas les pouvoirs qu'on enclenche et où pourtant l'interaction demeure. Un jeu dont il faudra assurément suivre l'évolution.
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