Critique de Inca Empire

« Alors si j'ai bien compris, dans ce jeu, moi aussi je suis inca ? »

« Oh oui, mais toi, tu l'étais déjà pour la science »

C'est par cette petite taquinerie à deux sous que j'ai commencé ma première explication des règles d'Inca Empire, une nouveauté d'Essen 2010. Enfin…nouveauté, nouveauté…faut savoir quand même que ce jeu de Alan D. Ernstein existait déjà sous le nom très porteur de Tahuantinsuyu, édité en 2004 par Hangman games, et qu'il bénéficiait d'une petite notoriété auprès des initiés.

Par cette réédition, White Goblin Games permet à un plus grand nombre de joueurs de s'intéresser à ce jeu qui porte sur un thème peu fréquent dans le jeu de plateau.

Matériel

Ben il y a un plateau…ah si, je vous assure, avec des pions en carton, en bois et même des cartes, le tout rangé dans une boîte.

Ça vous aide hein ? Non ? Pfooou ! Z'êtes exigeants quand même…Bon, alors je détaille un peu.

Le plateau : une dominante bleue…c'est ce qui nous vient à l'esprit quand on le découvre. Il est recto-verso (adapté pour 3 joueurs d'un coté et 4 joueurs de l'autre) et il est vraiment plus long que large (90 cm sur 42cm)…dans le style Navegador quoi.

On y découvre une carte de l'Ouest de l'Amérique du sud, avec un territoire découpé en provinces qui s'étend grosso modo de la Colombie au Chili, le tout coincé entre l'océan Pacifique et la Cordillère des Andes. Au milieu, la ville de Cuzco, point de départ commun des joueurs. Voilà pour la géo. Toujours sur le plateau, on a une piste de score et une piste découpée en 4 secteurs (les "ères") et qui, à l'aide d'un petit marqueur, permet de repérer quelles actions doivent effectuer les joueurs à leur tour, ainsi que le nombre de tours restant dans la partie.

On remarque que le plateau est constellé de sites, pour certains bien connus comme celui de Machu Pichu, de gros points symbolisant des localités et de petits dessins symbolisant des cités ou des garnisons entre autres. On aperçoit de multiples traits en pointillés, qui indiquent les endroits où les joueurs pourront construire des routes, matérialisées par des petits bâtonnets en bois à la couleur des joueurs.

Vous trouverez aussi plein de petites tuiles : elles représentent des citées, des forteresses, des cultures en terrasse, ainsi que des jetons « ouvriers/soldats », des jetons « Cultures » et un petit plateau pour y poser des cartes.

Tout cela est de bonne qualité, rien d'autre à dire là-dessus.

Règles

Les règles sont présentées dans 4 (!) petits livrets, dont une dans la langue de Voltaire…c'est clair, précis, je n'ai pas remarqué d'ambiguïtés particulières. On peut hésiter sur la bonne utilisation d'une ou deux cartes, mais rien de bien gênant. Attention à bien tout lire cependant, car lors d'une partie, des joueurs sont passés à coté d'un élément important fixant l'ordre de tour.

Alors grosso modo, que faut-il faire dans Inca empire pour devenir la fierté de l'empereur ?

Nous partons tous de Cuzco (mais d'un quartier différent) et nous devons construire un réseau routier qui symbolisera l'empire qui s'étend. Chaque joueur devra donc poser des petits bâtonnets (selon des règles que je ne vais pas détailler ici) qui représentent les routes, mais aussi des petites tuiles qui symbolisent pour certaines des forteresses, pour d'autres des cités, des temples, ou des cultures en terrasse. Tout cela doit être relié à Cuzco, sinon il sera impossible de marquer les points qui vont avec, au moment de la construction, mais aussi au moment des décomptes. Et oui, Inca empire est un jeu de réseau !

Ah ! Évidemment, il faudra convaincre les populations déjà existantes de se joindre à vous : Elles sont représentées par des jetons dits de « Culture » qui sont distribués d'une manière aléatoire et face cachée (mais révélées au fur et à mesures des progressions des joueurs) sur tout le plateau. Pour construire ou conquérir, il vous faudra du personnel, appelé ouvriers, mais qui servent aussi de soldats. Vous les «dépensez » selon un nombre variable (les cités en nécessitent plus que les forteresses par exemple), et il faudra essayer d'en récupérer régulièrement pour les tours suivants (et là, les jetons de culture, qui représentent les populations soumises une fois la conquête faite, vous seront très utiles) : les ouvriers sont votre force d'action.

Une partie est divisée en 4 ères de longueur différente, chacune divisée en plusieurs manches. Celles-ci alternent 4 phases : Phases de l'Inca (on récupère des ouvriers), Phase du Soleil (chaque joueur pose une carte sur un petit plateau divisé en 3 ou 4 secteurs selon le nombre de joueurs présents), Phase de construction (Routes, bâtiments, Conquêtes) et phase de décompte de point de prestige (il y aura 6 décomptes au total). Quand un joueur construit un bâtiment, il est seul à marquer les points correspondants. Mais dans la phase de décompte, les joueurs dont les réseaux routiers relient ce bâtiment marqueront aussi des points. Et oui, nous sommes tous des Incas, donc ce qui est à moi est aussi à toi.

La partie peut se terminer prématurément si vous jouez avec une petite variante proposée dans le jeu, celle de Pizzaro, avec laquelle j'ai toujours joué.

Enfin bref, les règles sont claires, pas très longues, mais il vous faudra, dans les premières parties en tout cas, souvent vous référer au livret pour vous remettre en mémoire le pouvoir des cartes.

Durée de vie

Et bien, il est assez difficile de se prononcer...en fait, tout dépend de ce qu'on appelle durée de vie du jeu. Aura-t-on toujours le même plaisir à entamer une partie de Inca Empire ? Pour la majorité des joueurs, je pense que oui, tant une partie ne devrait pas ressembler à une autre. Maintenant, question mécanique générale et options, je pense qu'on en fait vite le tour : Il faut construire des routes, construire des bâtiments (3 au choix, plus les terrasses), essayez de profiter des efforts de vos petits camarades, et là, c'est un peu toujours la même chose. Une fois que vous aurez jouer les 4 couleurs, mesurer leurs avantages ou inconvénients (car la répartition des villes est un peu différente au nord et au sud par exemple), la nouveauté viendra surtout des choix adverses qui influenceront vos actions dans la partie. Il faut anticiper un peu aussi, surtout pour le recrutement de nouveaux ouvriers.

La phase du soleil est une phase que j'affectionne particulièrement. Il faut poser une carte (face cachée) sur un emplacement qui indique alors les « bénéficiaires » de cette carte, en positif ou en négatif. Or il faut savoir qu'une carte posée touche obligatoirement 2 joueurs. Donc, si vous posez une carte avantageuse pour vous, elle le sera potentiellement pour un autre joueur. Vous pouvez poser aussi une carte concernant deux de vos adversaires…et là, c'est en générale une carte destinée à ne pas les aider. Je passe sur d'autres subtilités de cette phase, mais sachez qu'elle est souvent ponctuée de « Té ! De mon coté ! Comme par hasard ! », de « Aïe ! Celle là, elle doit pas être terrible » ou de « Aha ! Je suppose qu'elle doit être bonne ! Merci d'avance »…beaucoup d'interactions dans cette phase…et de bonnes rigolades au moment où sont révélés les cartes. Vous l'aurez compris, elles permettent de déroger à certaines règles ou bien offrent la possibilité de marquer des points en plus. Notez qu'une carte reste active jusqu'au décompte de l'ère en cours : Donc, sur l'ère 4, si vous prenez une carte génante dés la première phase du soleil, vous allez devoir vous la coltiner pendant 4 tours...et oui, c'est pas facile la vie à Cuzco.

Bon, il a bien quelques défauts alors ce jeu ? Et bien oui.

Tout d'abord, il y a ce petit aspect répétitif signalé plus haut qui m'est apparu au fil des parties. Si les cartes apportent une fantaisie et un renouvellement bien venu, il n'y a pas beaucoup d'options stratégiques (il y a bien le cas particulier des pèlerinages, et encore, je ne suis pas certain). Nous sommes plus dans la tactique et l'opportunisme. Cela pourra peut-être lasser les joueurs typés "gros gamers" après quelques confrontations. Ensuite, il faut reconnaître que les décomptes, simples au début, se compliquent un peu au fur et à mesure, et on peut facilement se tromper en oubliant quelque chose ou en comptant deux fois le même endroit. Il faut donc être attentif et méthodique durant cette phase. Eviter de jouer avec des maladroits : les petits bâtonnets qui représentent les routes (pratiquement le cœur du jeu) peuvent bouger au moindre choc, et là, bonjour pour retrouver les bons emplacements. Enfin, la lisibilité est parfois compliquée en particulier en fin de partie, quand les réseaux routiers s'entrecroisent…il en ressort une petite impression de fouillis, et cela pose problème pour les décomptes.

Le conseil de Jedisjeux

Inca empire, comme beaucoup de jeux, demande une bonne lecture des règles. Je dis cela car on peut facilement oublier un ou deux détails importants qui changeraient bien des choses. Et j'ai vu cela pour Inca Empire.

Développez votre réseau routier sans trop laisser de jetons de populations insoumises trainer près de vos routes. Des cartes provoquent des révoltes et alors certaines de vos routes disparaitront...et réseau coupé = moins de points marqués.

Essayez de construire des cités, forteresses ou temples à des endroits que vos adversaires tarderont à rejoindre : plus tard ils arriveront, plus longtemps vous serez le seul à marquer des points pour ces endroits pendant les décomptes. Évidemment, vous devez aussi vous débrouiller pour que vos routes parviennent jusqu'aux bâtiments construits par d'autres, afin de ramasser vous aussi des points de prestige.

Veillez à avoir suffisamment d'ouvriers disponibles : ils sont un peu la monnaie du jeu, et sans eux, adieu veaux, vaches, cochons, couvées, conquêtes, villes, forteresses…et points de prestige.

Dans la phase du soleil, essayez, si vous posez une carte sur le coin de plateau qui vous concerne, de faire en sorte que cette carte soit plus bénéfique pour vous que pour l'adversaire que vous servez également. C'est le cas par exemple des cartes pèlerinages : c'est tellement mieux quand vous êtes le seul à pouvoir le faire alors que l'autre joueur est trop éloigné pour en bénéficier. Il y a quelques petites astuces avec les cartes, je vous laisse les découvrir.

Il est assez difficile de bloquer un joueur pour l'empêcher d'atteindre certains emplacements : Si cela arrive, tant mieux, mais ne cherchez pas à le faire, c'est du temps de perdu…essayez juste de le ralentir, c'est suffisant.

Avis de la rédaction

avatar
Inca Empire est une belle réédition d'un jeu qui était resté un brin confidentiel. Matériel agréable, règles claires, déroulement plutôt fluide, Inca empire a des qualités suffisantes pour satisfaire les joueurs occasionnels (mais quand même habitués à des jeux d'une certaine consistance) comme les plus assidus. C'est un jeu surtout tactique de placements et de constructions de réseaux. Cependant, Il manque un peu de profondeur stratégique, si bien que des joueurs plus exigeants s'y amuseront sans doute trois ou quatre fois, mais pas plus. S'ajoutent à cela quelques petits problèmes d'ergonomie et de lisibilité, mais bon, avec l'habitude... Néanmoins, Inca Empire vaut incontestablement le détour, en offrant des parties intenses et à suspense. Donc, un jeu que je sortirai de temps à autre avec grand plaisir. Attention toutefois à la durée des parties à 4, le temps de jeu par chez moi n'est pas descendu en dessous de 3 heures.
Réagir à cet article

Il n'y a aucun commentaire