Critique de Last call

Last Call était une des nouveautés Essen 2010.

De loin, on pouvait penser qu'il s'agissait d'un simple jeu de dinette, mais en s'y rapprochant on se dit qu'une licence IV semble nécessaire pour se mettre à sa table.

Il se dit que certains ont l'alcool bon ou mauvais. Du coup, ne sachant quoi penser de ce jeu, nous nous sommes attablés pour y goûter. Avons-nous succombé, enivré de bonheur ludique, ou sommes-nous restés sobres jusqu'à la fin du service ?

La réponse ci-dessous, pour vous servir.

Matériel

Premier constat la boîte entre les mains: sa forme n'a rien de conventionnel. 30cm de long pour 15 de large, elle s'apparenterait plus à un coffret dans lequel on rangerait une bonne bouteille.

Mais il faudrait alors que la boîte soit plus grande, et à bien y regarder, son illustration évoque certes un jeu à thématique "boissons alcoolisées" mais on est semble-t-il ici loin du vin. Tant mieux, car la cuvée Essen 2010 sur cette thématique a déjà été bien généreuse.

Au dos de la boîte, parmi toutes les informations (celles habituelles, convenons-en), deux sautent un peu plus aux yeux: la durée des parties, dans un premier temps. Celles-ci oscilleraient entre 15 et 30 minutes. A l'essai, il s'avère que c'est plutôt juste.

Le matériel ensuite, qu'une belle illustration met en avant, semble magnifique mais peut faire penser à un jeu pour les plus jeunes, l'impression pouvant être renforcée par cette faible durée des parties et l'age minimum requis, de 8 ans.

Ce jeu est-il donc un proche parent d'un jeu comme "A la carte" ?

Soulevons le couvercle pour nous en assurer...

Eh bien mes amis, c'est bien rempli là dedans!

Beaucoup de matériel donc, et tout aussi prometteur que le laissait à supposer la partie extérieure de la boîte. Nous allons vous détailler tout ça, mais on peut dire que la surprise est de taille tant les précédents jeux de l'éditeur, si la plupart étaient bons, étaient chaque fois très vilains, exception faite de Fruit Fair, chroniqué il y a quelques mois.

On a donc pour commencer 24 bouteilles de 6 différentes couleurs sur lesquelles il nous faudra mettre des auto-collants avant notre première partie. On s'aperçoit alors que les serveurs vont servir du Rhum, de la Vodka, du Gin, du Brandy...

Les dessous de verre et enseignes de pubs qui serviront à identifier les joueurs sont d'un carton solide, légèrement toilé, comme tout le reste du matériel (cartes, plateaux de jeu, boîte...).

On ne reviendra donc pas sur les cartes, au design simple mais efficace. Très lisibles, elles contribuent à donner un aspect familial au jeu malgré le thème (il suffira de ne pas préciser aux enfants le contenu des bouteilles: leur couleur devrait suffire à inventer des jus de fruits de toutes sortes). Les six plateaux de jeu représentent des serveurs de tous genres. Là aussi, des couleurs et un style graphique idéaux permettent de nous en mettre plein la vue.

Les gros cubes servants à compter les points, ou plutôt les malus - nous verrons ça dans la section appropriée - sont des glaçons des plus criants de vérité. Pour ne pas les chercher partout dans la boîte, ils sont enfermés dans une pochette zip bienvenue.

Le rangement intérieur est pratique sans pour autant être parfait, mais on ne chipotera pas.

C'est beau du début à la fin et la boîte propose un encombrement minimum: on ne peut que saluer pareille entreprise.

Règles

Ce qui est bien avec cet éditeur, c'est que chaque année où sortent de nouveaux jeux sous sa bannière, systématiquement en période d'Essen, les règles françaises nous sont rendues disponibles avant le salon. Et c'est chaque année via l'apport de Ludigaume que la chose est possible.

Le livret de règles est donc proposé en trois langues, dont le français. 5 pages suffiront à tout connaître de Last Call. 5 pages et une unique lecture, tant le jeu se comprend facilement et n'a aucun cas particulier venant enrayer la machine.

Deux variantes sont proposées en fin de règles. La première semble être obligatoire pour mieux gérer, de façon équitable, les cas d'égalité de fin de partie. La seconde propose juste de jouer plusieurs parties dont on additionnera les scores. Bref, les variantes n'en sont pas vraiment. Mais le jeu n'en a pas besoin...

Concrètement, on va endosser le rôle de pubs essayant de gérer au mieux les plateaux de six serveurs afin de délivrer le plus rapidement possible, mais aussi de façon la plus précise, quatre commandes clients.

Les commandes sont des cartes "objectifs secrets", cachées des autres joueurs et demandant respectivement d'avoir sur un des six plateaux de serveurs deux, trois, quatre et cinq bouteilles précises.

La mécanique du jeu est simple: en début de partie, chaque type de bouteille se retrouve en lot sur une plaquette serveur. Puis un joueur pioche une première carte serveur, en annonce le nom et la place à proximité de la plaquette de ce serveur. Après un délai de 5 à 10 secondes, il fait de même avec une nouvelle carte et ainsi de suite. Les autres joueurs peuvent à tout moment l'arrêter en passant une "commande". A ce mot, cette phase stoppe. Le jeu se jouant en simultané, un habile mécanisme de départage permet de savoir qui a la priorité sur la commande. Ce joueur peut alors déplacer une bouteille d'un serveur à un autre avec la condition suivante: les deux serveurs doivent avoir une carte leur correspondant à proximité de leur plaquette.

Un serveur ayant trois cartes prêt de sa plaquette est un "serveur fou" qui peut recevoir une bouteille en provenance de n'importe quel autre serveur, que ce dernier ait ou pas une carte près de lui. Cependant, la quatrième carte serveur fera par contre retirer toutes les cartes de ce serveur et le serveur fou de se calmer.

Une fois la bouteille déplacée tous les joueurs peuvent jouer une ou plusieurs cartes commande de leur main si un des serveurs possède au moins les boissons indiquées. Pour chaque bouteille additionnelle n'étant pas dans la commande, le joueur récupère un glaçon.

Et les clients, ils n'aiment pas trop quand on leur met trop de glaçons dans le verre. Ainsi l'emportera celui qui, à la fin de la partie, aura le moins de glaçons devant lui. Dès qu'un joueur a servi sa dernière commande, les autres sont tenu de servir les leurs: ils peuvent faire tous les déplacements qu'il veulent pour y parvenir, mais chacun d'entre eux leur vaudra l'acquisition d'un glaçon.

Tout l'intérêt réside donc dans le fait de servir vite pour ne pas avoir à "payer" ses déplacements finaux, mais ne pas servir n'importe comment non plus.

Le jeu propose du coup une règle simple mais qui mélange le fun, la tactique et le hasard, tout ça dans une interactivité et un simultané des plus réjouissant. La thématique est assez bien rendue et les mécanismes sortent assez de l'ordinaire pour que ce jeu se démarque facilement de ce qui se fait dans le genre...

Durée de vie

Il faut l'avouer: rien ne permet au jeu de se renouveler vraiment.

Le nombre de cartes objectif proposé est colossal et c'est votre donne de cartes initiale qui sera la seule variante de début de partie.

Mais qu'importe ? Celles-ci sont très rythmées et le plaisir qu'elles procurent ne semble pas s'estomper au fil des parties.

Last Call est un jeu familial que l'on peut classer parmi les jeux d'ambiance mais qui demande pour autant de la réflexion ; c'est un jeu où tout le monde peut sortir un "commande" pendant qu'un joueur présente frénétiquement (mais pas trop non plus) des nouvelles cartes sans pour autant être un jeu qui oblige de prévenir le voisinage qu'on va y jouer un moment.

Oui, un moment: les parties ne dépassent pas la demi-heure de jeu mais peuvent bien-entendu s'enchaîner.

Ce jeu pourra donner du plaisir à tout âge, et pourra être joué tranquillement entre joueurs occasionnels tout autant qu'entre joueurs aguerris aux jeux longs et tactiques voulant se faire plaisir sur un jeu apéro (c'est le cas de le dire) où on peut tout de même tenter d'optimiser ses coups.

Vous pourrez donc sortir Last Call régulièrement et vous y amuser toujours, le jeu étant viable sous toutes ses configurations mais gagnant à être joué en plus grand comité. Ce n'est pas bien grave si au passage le chaos est alors un peu plus présent.

Le conseil de Jedisjeux

La première variante proposée dans les règles du jeu ne complexifie pas ce dernier et le rend plus juste pour ce qui est d'une éventuelle gestion des égalités en fin de partie. Car en faisant partir une commande à tour de rôle et dans l'ordre du tour du moment, les joueurs ayant posé le plus de commande durant la partie auront droit à un petit avantage non démérité.

Vous pouvez également décider que l'ordre inverse de celui mis en place en début de partie déterminera les égalités: là aussi, on pourra être plus juste.

On pourrait imaginer d'autres variantes avec par exemple les mêmes dispositions de départ et la pioche d'une nouvelle carte du même type chaque fois qu'une est jouée. La partie cesserait alors quand il n'y aurait plus assez de glaçons (et on ne pourrait jouer de carte commande dont on ne pourrait prendre la somme de glaçons légale) et les points se calculeraient ainsi : somme des commandes réalisées - glaçons procurés. Ça change radicalement le jeu: c'est bien, plus facile avec des plus jeunes apparemment mais ça enlève certains petits plaisir ludiques au jeu tel qu'il est, quasi parfait.

Néanmoins, ça permet de faire vivre le jeu pour le faire à votre goût.

Avis de la rédaction

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Last Call propose un cocktail explosif de mécanismes et de genres ludiques. Son matériel est très réussi et la thématique assez proche de la pratique pour nous faire entrer dedans. Tout le monde pourra y jouer et l'apprécier, jusqu'à l'ajouter à sa ludothèque sans réel risque d'avoir un jeu trop proche mécaniquement parlant. Voilà de jolies petites bouteilles d'alcool que je recommande chaudement pour la santé!
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