Critique de Ninjato

Plutôt que de vous faire une pyjama party en robe de chambre, dansant sur du Guetta, je vous propose d'enfiler vos getas et votre kimono pour partir cette nuit infiltrer les arcanes secrètes d'un jeu qui vous fera revivre l'aventure et les dangers que pouvait connaitre un Ninja.

Ah oui, vous auriez peut-être préféré être chaussé de Mizu Gumo et armé de shurikens et autres armes d'attaque...

Peu importe : un véritable adepte du Ninjutsu connaît aussi l'art de la discrétion.

C'est pour cette raison que nous avons décidé de faire sortir Ninjato de l'ombre.

Mais que va-t-on trouver derrière ce Metsubushi ludique ?

Matériel

C'est dans un écrin en carton bien épais que se cache le matériel dont vous voulez percer le secret. Sur sa face principale, où une illustration donne pourtant des indices bien précis, on retrouvera la signature de celui qui l'a forgé ainsi que les destinataires de ce petit coffret : de deux à quatre joueurs, de quatorze ans ou plus.

Au logo représentant une horloge est rattaché le chiffre 60 : probablement un code sur la durée avant laquelle l'alarme sonnera et le verdict, tel un ninjatõ aiguisé, tranchera quant à la qualité finale du produit.

Bon, en même temps, tout ninja qui se respecte connaissant la totalité des techniques de camouflage, aurait probablement pensé à retourner l'objet pour constater qu'à son dos figuraient toutes les informations nécessaires pour se faire une idée sur l'utilisation de l'engin.

Des shurikens de fort beau gabarit y séjournant, c'est avec doigté, prudence, attention.. et en se dépêchant un peu, au cas où un garde passerait dans le coin, qu'on soulève le couvercle.

Sous l'épais livret de règles, dont on déchiffrera les écrits un peu plus tard, à l'abri des regards indiscrets qui trouvent cette première description trop lente et qui ont déjà fuit furtivement, se cache un plateau de jeu.

Le dessin de son graphisme, ses couleurs à dominantes bleu-nuit et son agencement permettront une mise en avant de la thématique ainsi qu'une aisance certaine dans la pratique.

Ne pas faire de bruit sur les tuiles, même si on a les jetons et les cartes du lieu, des pochettes et un sac noir en tissu (un peu trop brillant cela dit pour bien passer inaperçu) pour ranger chacun de ces trésors, marqueurs de scores compris : voilà notre mission.

Et tout ça rangé dans un compartiment en carton permettant à chaque élément de tenir convenablement, du fait d'un séparateur et ce, même en posant la boîte, telle une lame bien droite, fièrement postée sur sa tranche.

Règles

Le livret de règle fait tout de même 12 pages.

Pour autant, on ne peut pas dire que le jeu soit réellement compliqué. Je le considère pour ma part comme un poids moyen, un jeu intermédiaire, qui se situerait juste à la frontière du jeu dit "familial" et de celui "pour joueurs confirmés". Si cela peut vous donner une idée, je le place, sur ce point de vue là, aux côtés de L'Age de pierre.

D'ailleurs, si le tout prend 12 pages, c'est bien aussi dû au fait que les illustrations et exemples sont abondants et que des parties encadrées résument ce qui est expliqué sur la même page.

Les joueurs vont donc avoir droit à 7 tours de jeux pour dérober un maximum d'objets précieux dans différentes maisons, appartenant à différentes familles. Ces objets serviront à obtenir des cartes Rumeurs, sorte de carte à objectif octroyant quelques points de victoire en fin de partie, mais ils seront utilisés également pour corrompre des émissaires (qui demandent chacun des objets précis), rapportant alors, via un système de majorité pour chacune des trois familles, des points de victoire plus conséquents lors des décomptes intermédiaires... pour peu que les familles auxquelles vous avez graissé la patte soient encore présentes sur le plateau de jeu.

Je m'explique...

La première phase de chaque tour consiste à poser un à un et à tour de rôle ses 3 shurikens sur le plateau et d'accomplir les actions associées dès la pose de l'arme et non à la fin du tour. Si on pense de suite à un système de "pose d'ouvriers", on en est finalement loin puisqu'on peut se placer n'importe où, qu'il y ait ou pas déjà un shuriken présent.

Chaque maison détient un certain nombre d'objets précieux, et autant de gardiens. Seul hic : on ne connaît que la valeur du premier gardien et quand on se rend dans une maison pour la délester de ses biens, on doit choisir si on y va en force ou en totale discrétion. Dans le premier cas, on parie alors sur le fait qu'on pourra jouer une carte de valeur supérieure à tout gardien rencontré. Dans le second cas, on mise sur le fait qu'on pourra jouer une carte systématiquement inférieure aux gardiens. Pour le premier gardien, on est donc sûr de son fait, mais le vaincre ne permet que de prendre l'objet de plus faible valeur. On est alors tenté d'annoncer qu'on continue de remplir notre sac, mais l'annonce doit se faire avant de prendre connaissance de la valeur du prochain gardien...

Bon, ça ne se résume pas qu'à ça pour ce qui est du vol et des combats, mais le coeur de la mécanique réside là : un peu de "stop ou encore", et dans pareil jeu, c'est assez rare et plaisant. Bien entendu, perdre un combat vous fait repartir avec davantage de cartes jouées pour au final ne conserver que le premier objet acquis.

Un autre intérêt de vouloir continuer à piller une maison est que si tous ses biens sont dérobés, elle change alors de famille, et selon les émissaires corrompus, on aura tendance à affaiblir tel ou tel logis, car la majorité des points de victoire qu'on va obtenir se fera sur les familles présentes dans les maisons, et les valeurs de chaque maison, qui peuvent bien entendu différer.

Au palais, on va pouvoir ramener son larçin et l'offrir aux émissaires. Idem pour les cartes rumeurs. De plus, vous remportez des PV chaque fois que vous vous séparer de vos objets dans l'un ou l'autre de ces cas (ceux conservés en fin de partie ne rapporteront qu'un point chacun, ce qui correspond à une peau de chagrin).

A chaque tour, on peut aussi préférer jouer un shuriken au dojo, afin de se refaire une main de cartes honorable. Moins il nous en restait et plus on en piochera : à chacun de voir s'il préfère optimiser ses passages ou s'assurer une main de cartes plus importante mais probablement plus de passages au dojo. La pioche de ces cartes (dont les valeurs serviront surtout à combattre les gardes) se fait comme dans de nombreux jeux : aléatoirement ou parmi les trois posées face révélée. Les passages au dojo vont également déterminer l'ordre des tours de jeux, ce qui ajoutera un second critère à prendre en compte pour choisir quand y aller.

Vous pourrez choisir d'aller également au Pavillon pour acheter des personnages sur lesquels vous aurez des rumeurs ou chez le sensei, où un combat victorieux vous donnera de nouvelles capacités aux noms très imagés.

Les décomptes ont lieux lors des tours 3, 5 et 7 et seuls les deux premiers joueurs majoritaires dans chacune des trois familles recevront des PV ou des cartes rumeurs.

En fin de partie, on obtient des points bonus en fonction des trésors inutilisés, des rumeurs possédées et des gardes d'élite vaincus, plus difficiles à battre.

Ce jeu pourrait être pris pour un jeu de pose d'ouvriers, ou encore pour un jeu à points d'actions par les plus observateurs. Mais il s'agit plus de sentir à long terme où le vent va souffler, de voir où attaquer pour avoir l'émissaire qui ira bien sans affaiblir la famille dans laquelle on est bien placé. On est plus proche d'un jeu de pick-up and delivery, assaisonné de stop ou encore et de majorités, finalement.

On dit souvent qu'en ne prenant que des mécanismes vus ailleurs et en les mélangeant entre eux, on obtient du nouveau.

Ici, si le jeu est intéressant, on a plus l'impression de mécanismes sortant un peu de l'ordinaire (de curieuses variations d'airs connus) pour au final un rendu proche de ce qu'on connaît déjà.

Les mystères de la cuisine...

Durée de vie

Comme la plupart des jeux de plateau modernes, Ninjato propose une mise en place (des objets et des gardes) aléatoire, et donc différente.

De même, l'ordre d'apparition des cartes émissaires et rumeurs sera dicté par la voie du destin.

Pour autant, ça ne changera pas grand chose au jeu, si ce n'est de jouer les mêmes coups de départ en mode automatique.

Mais une fois que vous aurez votre façon de jouer, même s'il faut s'adapter aux tirages, une fois que vous aurez appris à bien lire les tenants et les aboutissants, vous n'aurez plus trop l'impression que de nombreuses propositions s'offrent à vous.

Les parties seront toutes plaisantes, même après plusieurs sorties du jeu, et elles sont bien différentes et toujours intéressantes selon le nombre de joueurs (et même à deux, le mécanisme de majorité garde toute sa saveur), mais une impression de changement seulement léger viendra parfumer l'atmosphère, là où maintenant de nombreux jeux parviennent à vous proposer un renouvèlement des parties assez hallucinant.

Celui de Ninjato, s'il n'a rien d'offusquant, ne peut se hisser au niveau des meilleurs.

Mais là n'est pas sa force, assurément.

Avis de la rédaction

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Ninjato propose de nouveaux mécanismes qui vous donneront envie de l'essayer. Ses parties, plaisantes, parviendront à retranscrire chacune des thématiques du monde des ninjas sur lesquelles le jeu a voulu s'arrêter (elles n'y sont certes pas toutes, mais comment pourrait-on les faire entrer toutes en un seul jeu ?). On prendra plaisir aux coups de malchances, rares, de la partie de "stop ou encore", et si certains peuvent tuer une partie et d'autres être insignifiants, le joueur le sait avant de faire son choix : il n'aura qu'à s'en prendre à lui-même en cas de raté et se faire seppuku. Mon seul regret sera de ne pas avoir fait le moindre jeu de mot avec "jitte" tout du long de cette critique...
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