Critique de World of Warcraft : le jeu de plateau

« World of Warcraft: the Boardgame » est adapté du « jeu de rôle massivement multi-joueurs en ligne » (MMORPG) du même nom (la mention « the Boardgame » en moins, forcément) et se déroule dans le même univers (ou une partie de cet univers plus précisément). Il n’est pas évident que l’adepte du jeu en ligne retrouve ici tous ses petits, mais le but d’un jeu de plateau n’est pas obligatoirement de reproduire fidèlement un jeu sur ordinateur. Ainsi donc, dans ce jeu, deux ligues factieuses, si vous nous permettez cette expression quelque peu approximative, la Horde et l’Alliance, vont parcourir les landes désolées d’Azeroth afin de faire progresser le niveau de leurs membres à coups de haches ou de sorts en travers la tête de monstres avant d’affronter le grand méchant.

Matériel

Comme souvent avec le matériel des productions de "Fantasy Flight Games / Ubik", on se retrouve avec une boîte bien pleine.

Oui, mais diront certains, la plupart des figurines de monstres (outre le fait qu’à une certaine époque, dit-on, on en pouvait trouver de telles en grand nombre pour fort peu cher) ne servent à rien, car peu d’entre elles se retrouveront effectivement sur le plateau au cours d'une partie (bien que théoriquement, on puisse se retrouver un rupture de stock de l'un des types de figurines)...

A propos de ce dernier, il aurait pu être plus clair et il n’est pas toujours évident de s’y retrouver, et ce d’autant plus lorsque la géographie "azerothienne" ne nous est pas familière (de notre temps, cette géographie n’était pas enseignée, mais peut-être les choses ont-elles bougé en la matière).

Les cartes de référence des monstres qui expliquent leurs propriétés sont les bienvenues, mais le dessin est relativement mal aisé à associer avec la figurine correspondante. Souvent, on se demande, au début : « Tiens, c’est quoi, cette bête-là ? ».

Mais nous chipotons, et à l’exception de ces quelques inconvénients, le matériel reste tout à fait fonctionnel.

Quant à l’aspect esthétique, il faut être sensible au style médiéval-fantastique pour l’apprécier à sa juste valeur... (points de suspension lourds de sous-entendus)

Règles

Les règles sont bien pensées et on s’y retrouvera assez facilement. Elles sont néanmoins longues : n’envisagez pas (comme avec nombre de jeux de ce type) d’ouvrir cette boîte avec des amis néophytes, de lire les règles, et de vous mettre à jouer tout de suite, comme ça, pouf pouf.

Non, trois fois non, pas de ça ici : il faudra qu’un joueur se dévoue pour apprendre les règles, prendre des cours de pédagogie et les expliquer à ses petits camarades après s'être entraîné devant un miroir avec un crayon entre les dents (j'exagère, oui, quand même).

Ou alors, il faut que tous les joueurs lisent les règles, mais il est plus aisé de les comprendre et de les intégrer avec le matériel sous les yeux, comme bien souvent avec ce type de jeux.

Le principe général est assez simple (à chaque tour, chaque membre de la faction active pourra faire deux actions parmi un nombre restreint) et ce d’autant plus que l’aide de jeu résume bien l’essentiel des règles.

Ce ne sera que dans certains détails que des doutes pourront survenir...

Durée de vie

Le reproche courant qui est fait à ce jeu est que chaque faction joue indépendamment l’une de l’autre, autrement dit, qu’il y a un manque d’interaction certain.

Imaginez qu’aux "Chevaliers de la Table Ronde" deux équipes fassent simultanément les quêtes et vous verrez à peu près à quoi il est fait allusion : on a en effet une sorte de jeu coopératif qui met en concurrence deux équipes qui luttent contre le temps.

Ce sera sans doute aux joueurs de créer cette interaction, par ce que certains nomment le « role play »...

Un peu comme dans une course de 100m (où l’interaction est plus limitée qu’au rugby, quand même) les coureurs pourront essayer d’influencer les autres par leur attitude, des annonces, du bluff, tout ça, quoi.

Ce qui peut le plus désoler c’est que les combats entre factions, qui sont tout à fait possibles, sont pour le moins assez inutiles.

Sauf à tomber à trois sur le râble d’un personnage d’une faction adverse afin de freiner sa progression, peut-être...

Les cartes "évènement de guerre" ne suffisent pas non plus à créer cette interaction souhaitée.

Les quêtes elles-mêmes sont peu variées, puisqu’il s’agit essentiellement d’aller défaire de pauvres créatures sans défense ; euh, enfin, si, elles se défendent...

Ceci étant dit, la diversité des monstres de fin, l’apparition des quêtes à des endroits divers et avec des monstres différents, la diversité des personnages et de leur équipement assurera un bon renouvèlement des parties et devra conduire les joueurs à adapter leur façon d’appréhender le jeu.

Pour finir sur le sujet du manque d’interaction, nous oserons faire remarquer que c’est un défaut souvent évoqué à propos des jeux de gestion.

Car, à n’en pas douter, ce jeu est un jeu de gestion, ce serait faire preuve d’une fieffée mauvaise foi que de le contester, pensez donc : en tout et pour tout, au cours de la partie, un joueur devra choisir trente actions à faire effectuer à son personnage. Il faut donc choisir. On doit gérer son personnage, ses capacités outre ses actions, et, qui plus est, le gérer au sein de la gestion collective de sa faction, ce qui force à une interaction intra-faction, qui est, elle, incontestable.

Le conseil de Jedisjeux

Comme assez brillamment démontré au paragraphe précédent, ce jeu est réservé aux amateurs de jeux de gestion ayant suffisamment l’esprit ouvert pour accepter de changer de thème de jeu, de passer de la gestion feutrée de marchandises à celle plus martiale de haches, de sorts, de capacités.

Il faudra également accepter de parfois sacrifier son personnage pour l’équipe (snif, c’est beau) et, bien sûr, de (nous citons avec des pincettes) « lancer des pelletées de dés ».

A noter qu’il est toujours surprenant de constater que nombre de gens voient dans le fait de lancer un grand nombre de dés l’incarnation même du hasard. Alors que c’est dans le fait de lancer peu de dés, de piocher de rares cartes, qu’il y a vraiment du hasard.

Mais las. Bref, ce jeu est très particulier et pourra décevoir les amateurs du genre (parlons, pour être plus précis, de jeux de "baston").

De plus, il est probable que malgré ce qui a été brillamment sus démontré, il n’attirera guère les amateurs d’ambiance feutrée de gestion d’épices ou de marchandises.

Nous préconisons donc un essai avant d’acquérir ce jeu, sous peine de risques de déception, et, évidemment, des bains de siège.

Avis de la rédaction

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