Critique de Arriala Canal de Garonne

Il y a plusieurs types de jeux dont on se méfie. Parmi eux, figurent ceux qu'on est obligé d'éditer suite à une première place à un concours, que le jeu soit assez bon ou pas. On garde un œil suspect sur les jeux qui d'une façon ou d'une autre, sont à but publicitaire. On préfère attendre les premiers échos de joueurs suite à l'arrivée d'un premier jeu d'un nouvel éditeur, auteur ou illustrateur...

Et puis certains de ces jeux, parfois, cumulent tous ces critères... et vous pètent à la gueule telle la bombe qu'ils sont et qu'on attendait pas.

Arriala est-il de ceux là ? Pour le savoir, ouvrons donc ensembles les vannes de ce jeu...

Matériel

Ce qui se démarque le plus, quand on voit la boîte de Arriala, c'est le style graphique de ses illustrations (le plateau et les cartes du jeu sont bien entendu du même acabit).

De très bonne qualité et apportant tous les éclaircissements qu'il faut, elle dévoile sur sa tranche, une fois le couvercle ôté, les photos de l'auteur et de l'illustrateur du jeu, accompagnées d'une description de ces derniers. On n'est alors pas étonné d'apprendre que Paul Filippi illustre à la base des bandes dessinées. Ça se sent sur Arriala, qui fut sa première collaboration avec le monde des jeux de plateaux. Espérons qu'il y en aura beaucoup d'autres.

Rien à redire non plus sur les différents pions et marqueurs en bois, si ce n'est qu'ils sont réussis et qu'ils composent un agréable paysage sur le plateau de jeu au fur et à mesure que la partie avance.

Un coup de chapeau au passage pour les deux représentations des ouvrages, magnifiques et faits sur mesure: de quoi entrer dans le thème de façon encore plus aisée, les illustrations donnant déjà un petit goût d'authenticité et de terroir fort sympathique.

Règles

Esthétiquement, le livret de règles ne dépeint pas. Les 20 pages qui le composent présentent le jeu en français, mais aussi en anglais et allemand.

Fait rare et agréable, le quatrième de couverture s'attarde sur le lieu d'inspiration du jeu avec photos du canal de la Garonne et du cloitre de Moissac. Un petit rappel des beautés qui font du Tarn et Garonne, département créé après tous les autres, un département unique, et l'adresse internet de l'office du tourisme clôturent la parenthèse.

Rappelons tout de même que le jeu a été édité suite à un concours avec un thème imposé. Si ça se ressent le long de la partie, il était également normal de célébrer le département, puisque le jeu devait déjà le mettre en valeur.

Et donc, c'est réussi!

Nous avons ici un jeu de majorité rapide et interactif, dans lequel il ne faudra pas hésiter à faire de vilains coups.

Le plateau de jeu représente Le Canal de La Garonne, ou plutôt les parties que vous allez construire pour relier les villes majeures de la région (enfin, du département, hein ?).

Pour les bâtir et ainsi réussir votre irrigation, chaque section doit être occupée par un ouvrier et c'est le joueur qui en a mis le plus qui récoltera tous les lauriers... sauf s'il est ex-æquo avec un autre, auquel cas, c'est le joueur placé derrière eux (qui aura surement permis cette filouterie) qui ramassera les points de gloire.

La partie s'achèvera quand la totalité du canal a été décompté.

Comme ça, ça parait bateau, non ?

Mais en fait, ce n'est pas si simple. Car, tout comme tout bon jeu qui se respecte, il vous manquera toujours un sixième point d'action pour faire le coup fumant dont vous rêviez.

Avec vos points d'action, vous pourrez placer vos ouvriers sur trois types de lieux: sur le canal, sur un ouvrage fluvial (qui donne immédiatement 3PV mais bloque votre ouvrier pour tout le reste de la partie), ou dans les champs des environs (qu'on ne décompte qu'en fin de partie selon le même principe que le canal à ceci prêt qu'ils rapportent des PV qu'ils soient entièrement remplis ou pas et le nombre de PV augmente avec la taille dudit champs). Mais vous pourrez également dépensez vos points pour déplacer vos ouvriers, parfois même ceux de vos adversaires, ou pour piocher ou jouer des cartes.

Vous avez également la possibilité de poser des écluses, qui vous octroient directement 1Pv et qui permettent de découper les portions de canal à décompter. Cela vous permettra de diminuer les points à remporter par vos adversaires car ce qu'on gagne est exponentiel selon la taille du segment construit. Mais cela permettra surtout d'en acquérir certaines qui pouvaient paraître inaccessibles et donc parfois de profiter du labeur plus important de malheureux concurrents.

Les choix d'actions sont assez nombreux pour rendre le jeu intéressant tout en ne noyant pas le joueur dans un nombre de possibilités infinies. Le côté interactif du jeu de par la possibilité de déplacer les pions adverses et de voler des majorités rend le jeu très fin et fourbe là où on aurait pu craindre un chaos total, qu'on ne ressent pas. Idem pour la gestion des cartes, qui restent assez variées: si leurs capacités restent légèrement inégales, elles ne nuisent aucunement à l'équilibre du jeu car aucune n'est inintéressante (fait qui changera lors des tous derniers tours) et les joueurs devront adapter leur jeu à leur pioche: attendre une carte précise ne serait certainement pas une bonne idée.

La thématique est très bien intégrée aux mécanismes et rien ne vient enrayer la machine: on n'aura pas à ressortir la règle du jeu, pour peu qu'on ai ben appuyé en début de partie sur les rares points particuliers mis en évidence dans la règle.

Si ce n'est pas totalement tout neuf, l'impression de déjà-vu ne pointe pas le bout de son nez et les parties restent dynamiques et variées: une réussite que ce jeu de majorité bien méchant qui évite les sempiternels petits cubes en bois à l'allemande et qui réussit à tenir sur des parties ne dépassant jamais l'heure de jeu.

Durée de vie

Arriala réussit à être un jeu assez riche qui se révèle doucement au fur et à mesure des parties.

C'est l'interaction qui y est fort présente et l'aléa des pioches de cartes qui, appuyées par cette profondeur de jeu conséquente pour un jeu aussi court, permettra de le faire ressortir régulièrement.

De plus, le design réussi du jeu et sa faible durée, déjà évoqués, enfonceront le clou.

Du coup, le jeu devient un tremplin parfait pour mener aux jeux de plateaux modernes, et si vous êtes au passage un régional, vous pourrez joindre l'utile à l'agréable et vanter les mérites de votre département.

Dommage cependant que le renouveau ne soit pas plus marqué par un plateau de jeu modulable ou des débuts de parties variés (malgré les deux cartes distribuées aléatoirement avant de débuter la partie) et ce d'autant plus que les différentes configurations de parties (selon le nombre de joueurs) ne changeront pas la dynamique du jeu.

On verra bien si d'aventure des extensions paraîtront avec des cartes objectifs ou que sais-je d'autre. Après tout, nous avons déjà eu droit à une mini-extension bonus, comprenant un pion ouvrier tout bonnement magnifique...

Le conseil de Jedisjeux

Comme précisé un peu plus haut, ne partez pas sur une tactique figée et laissez-vous guider par les cartes que vous possédez. Ce jeu est avant tout un jeu d'optimisation et d'opportunisme.

Si par exemple vous piochez une carte vous permettant de livrer un des ouvrages majeurs du jeu (rapportant 5PV mais sous contrainte d'être dernier au score), il deviendra intéressant de vous focaliser sur les champs qui offrent beaucoup de points... mais en fin de partie seulement.

Si suite à cette tactique ou pour d'autres raisons (le choix de "scorer sûr" en prenant les ouvrages fluviaux par exemple), vous ne possédez que peu d'ouvriers à disposition (déplacer certains peut parfois, selon les cartes en main et le cours du jeu, s'avérer bien onéreux), il vous faudra tenter de profiter du système permettant aux joueurs ex-æquo de ne pas marquer: en étant minoritaire, vous pourrez tout de même scorer.

De la même façon, selon que vous pensez mener au score (seuls les champs apportent une part d'incertitude) ou au contraire manquer de points, vous aurez tout intérêt à terminer le canal ou à marquer des points autrement pour allonger la partie (ouvrages fluviaux, champs...).

Bien entendu, créer des écluses rapporte un petit point sûr (et souvent bien agréable) tout en diminuant le nombre de points que peut rapporter un tronçon et en occupant une case du canal: leur pose favorise généralement le joueur qui souhaite terminer la partie rapidement.

L'écluse est également l'un des meilleurs moyens, avec le déplacement des ouvriers adverses, pour mettre la zizanie dans les prévisions adverses. Certains joueurs apprécieront de pouvoir opter pour cette technique agressive.

Enfin, et quoi que vous en pensiez (vous vous en rendrez compte rapidement), il est impossible de faire ses petites affaires tout seul dans son coin.

Et si on reste attentif, il faudra ruser pour réussir à s'échapper au score, celui-ci étant quasi connu dans sa totalité (seul le décompte des champs peut encore faire basculer des scores) et des alliances bien temporaires pourront alors voir le jour.

Dernier point: pour les joueurs chagrin qui trouvent que certaines cartes peuvent ne servir à rien en fin de partie ou qu'en accumuler pour ne jouer ensuite en grande partie que par elles, il se trouve que vous pouvez proposer vos propres variantes; à vous ensuite de bien les équilibrer (le jeu s'y prête bien, puisque, comme précisé dans la partie "durée de vie", on pourrait imaginer des extensions).

Vous pourriez par exemple:

- Limiter le nombre de cartes en main (5 maximum ?)

- Permettre pour un point d'action de défausser une carte pour en piocher une nouvelle (en limitant ou pas ce choix d'action à une ou deux fois par tour).

On peut même trouver ici une autre proposition de variante.

Bref, si le jeu venait à ne pas vous satisfaire, malgré son réel intérêt, il reste adaptable, et c'est toujours un plus à signaler...

Avis de la rédaction

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Arriala a tout d'un grand! Ses parties sont rapides et pourtant bien tactiques. Elles proposent une interaction forte qui ne nuit pas au jeu (aucune impression de chaos). De la majorité, des points d'actions, de petites combos, des coups bas : ce jeu va nous en mettre plein les mirettes. Les graphismes sont d'une rare beauté et le style proposé n'a aucune pareille à ma connaissance dans le domaine des jeux de société. Ça lui donne un style personnel très fort, déjà que le thème du jeu est bien retranscrit. Du vrai travail de fourmi. Et une fourmi, question travail, généralement, on a du mal à trouver mieux...
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Une petite perle ludique est une fois de plus sortie d'un concours de création de jeux de société. Arriala est un jeu familial qui propose des choix tactiques dans des parties assez rapides (environ 30 minutes). Bluff et coups bas seront de rigueur, pour qui veut avoir son nom gravé sur l'édifice. On s'en donne à coeur joie dans son rôle d'entrepreneur du bâtiment, cacher sa stratégie est indispensable pour gagner, mais encore faut-il avoir les bonnes cartes en main !
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