Critique de Escalier Royal

Un roi, c'est capricieux, et forcément, ça n'a jamais envie de la même chose d'un jour à l'autre.

Et quand on est prêt à tout pour s'approcher du trône et des hauteurs de la monarchie, on essaie d'anticiper au mieux les envies du régent... quitte à pousser un peu les autres courtisans et les faire bouler dans l'escalier.

Que voulez-vous, c'est comme ça que ça marche...

Matériel

Escalier Royal se présente dans une boîte toute en longueur qui se trouvera bien grande par rapport à ce qu'elle contient : un plateau de jeu, joli et de bonne qualité, des cartes toutes aussi réussies et dont on saluera la souplesse, des pièces, des jetons, des coffres à trésor et des personnages en 2D en carton, qu'un thermoformage bien pensé permet de ranger proprement.

En se penchant de plus près sur tout cela, on apprécie dans un premier temps de ne retrouver que du "Made In France", comme à l'accoutumée chez Sentosphère (saluons-le). L'habituel plastique des socles dans lesquels on insèrera les personnages qui devront gravir les échelons (ou les escaliers, pour faire moins imagé) laisse ici sa place à du bois, ce qui est appréciable.

Le reste du matériel ne sera pas tout aussi intéressant : les pièces et les différents jetons sont bien trop fins pour être solides et facilement manipulables; les coffres à trésors, en carton léger, qui se montent pour faire 3D restent jolis mais ne sont pas du tout pratiques pour faire correctement leur office d'écrans pour les joueurs; le seul sachet zip proposé détient les socles qui n'en n'auront plus besoin par la suite, le sachet ne pouvant pas se recycler pour les jetons, trop nombreux pour lui, ces derniers étant condamnés à se balader dans la boîte.

Des cartes de jeu servant de récapitulatifs permettront un meilleur confort durant les parties, qu'il vous faudra bien entamer pour en connaître la durée moyenne, cette dernière n'étant pas stipulée sur la boîte de jeu...

Du bon et du moins bon, donc, mais rien qui ne donne envie de rebrousser chemin. Au contraire même : on a envie d'en savoir plus sur ce jeu au matériel qui diffère un peu de ce qu'on voit d'habitude, et encore plus si on s'en tient à ce que nous propose la plupart du temps l'éditeur, qui s'essaie ici un peu plus à du jeu qu'on qualifierait presque de "poids moyen"...

Règles

Ici aussi, on oscillera entre le bon et le moins bon.

En effet, à la lecture des règles du jeu, on trouvera les explications pas si bien agencées, donnant une impression de fouilli. Par contre, on appréciera que la thématique, que le jeu sur le plateau souligne, soit soutenue dans le livret par un texte très intéressant au demeurant pour qui est un peu curieux.

Concrètement, Au début de chaque tour, on tire une carte évènement qui peut donner un changement de règles pour le tour en cours (impossibilité de monter les escaliers, gains de tel joueur doublés pour ce tour, enchères à poings fermés, tels choix de distractions interdits...).

Puis on lance le dé humeur, qui va annoncer l'humeur du roi via une couleur.

Les joueurs possèdent en main 7 cartes. Ils en joueront une et en repiocheront une à chacun de leurs tours.

Ces cartes présentent chacune un des 8 types de distractions royales possibles ainsi que les six couleurs d'humeur, chacune étant rattachée à une valeur allant de 1 à 6 et correspondant aux points de faveurs que les joueurs sont susceptibles de gagner.

Puis les joueurs démarrent une phase d'enchères (chacun possède 200 pièces pour toute la durée de la partie : on n'en regagnera pas d'autre). Le vainqueur choisira le type de distraction royale qui se doit d'être différente de celle du tour précédent. Il peut payer 30 pièces à la banque pour relancer le dé humeur et en conserver le résultat.

Une fois la distraction choisie, chaque joueur révèle une carte de sa main puis la défausse. Si elle correspond à la distraction de ce tour, le joueur gagne autant de points de faveur que la valeur inscrite en face de la couleur de la carte jouée. Sinon, il ne gagne rien.

Puis, en commençant par le vainqueur de l'enchère, on paye en points de faveur la possibilité d'avancer vers le trône du roi. Plus on avance d'un coup de plusieurs marches et plus on doit payer (le coût est exponentiel). Seul soucis : plus on monte l'escalier et plus les places sur les marches se resserrent, au point qu'on ne peut plus être que deux, puis un par marche, l'arrivant faisant reculer le joueur chassé.

Ainsi, à la fin d'un tour, il se peut qu'un joueur, et un seul, atteigne le trône royal et remporte ainsi la partie ...

A la lecture, ça semble prometteur, tout autant par l'impression de pouvoir contrôler les choses que de par l'interaction qui semble rejaillir des mécanismes proposés.

Mais dans la pratique, tout ça perd un peu de son charme, le système, certes osé, de la gestion des finances, obligeant à bien connaître le jeu pour l'apprécier à sa juste valeur. Vous me direz que c'est le cas pour tout jeu d'enchères, mais ici la chose est encore plus flagrante car aucune finance ne viendra restaurer une éventuelle banqueroute précoce.

Idem pour le système de distractions : au final, on arrive quasiment toujours à jouer une carte, sans trop souffrir de la chose. Diminuer le nombre de distractions aurait certainement été bienvenu.

Dans les points positifs, l'idée d'aménager deux escaliers qui se rejoignent pour ensuite n'en former qu'un ainsi que celle de ne pouvoir utiliser qu'un de ces escaliers à trois ou quatre joueur, permet une lutte toujours à fleur de peau pour le positionnement sur les marches. Cette idée, sans provoquer l'anarchie (on se trouve dans un escalier royal, tout de même...) assure une interaction, une prise de risque et des possibilités d'agressions des plus réjouissantes.

Durée de vie

Ce jeu se veut familial plus que joueur, même s'il demande un peu de réflexion durant la phase d'enchère, probablement un peu trop technique lors des premières parties pour le public visé de part le choix fait sur le système d'enchères.

On ne pourra donc s'attendre à une durée de vie faramineuse suite à une profondeur stratégique certaine.

L'aléa des cartes, finalement plus solide qu'il n'y parait aux premiers abords pourra même zapper l'intérêt sur le long terme, alors que celui des cartes évènements, qui à la lecture pouvait sembler plus à craindre, permet de varier les manches et reste une idée salvatrice.

On notera également qu'il semble aisé de simplifier le jeu pour les plus jeunes afin de le leur rendre plus accessible et permettre à la boîte de sortir plus facilement. On pourra alors simplifier la phase d'enchères, ou même l'enlever pour que chacun choisisse à tour de rôle.

On pourra ôter les cartes évènements de la partie, ne plus jouer la possibilité de faire reculer du monde dans les escaliers.

Bien entendu, tout ça enlèvera un peu du sel du jeu, mais si c'est pour permettre à une partie de voir le jour...

Le conseil de Jedisjeux

Pourquoi ne pas changer le système d'enchères et lui préférer des enchères fermées ?

Celles utilisées dans "La fièvre de l'or" par exemple, me semblent appropriées : le vainqueur de l'enchère donne l'argent au joueur suivant, qui en conserve la moitié et donne le reste au joueur suivant et ainsi de suite. La possibilité de dépenser 30 pièces pour relancer le dé peut alors elle aussi être adaptée en choisissant la personne à laquelle on va donner cet argent.

Comme précisé plus haut, vous pouvez également décider de rendre les règles du jeu plus simples pour les plus jeunes.

On peut encore imaginer, en conservant les règles de bases pour les enchères, de proposer de pouvoir échanger des faveurs contre de l'argent : ainsi une erreur de début de partie pourrait encore se rattraper.

Enfin, il semble que le nombre de distractions différentes est trop important et il n'arrivera que bien rarement de ne pas avoir une carte qui nous aide : aucun écart ne peut vraiment être fait de ce point là et la tension en pâtit. On pourrait donc penser à enlever des types de distractions tout en diminuant le nombre de cartes en main et peut-être même en changeant la façon de piocher des cartes (en piochant autant de cartes que de joueurs, par exemple, et en choisissant à tour de rôle selon l'ordre inverse des places dans les escaliers par exemple...), mais bon, ça demanderait pas mal de parties pour bien équilibrer tout ça...

Avis de la rédaction

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Escalier royal est un jeu plaisant mais qui présente quelques défauts lui empêchant à mes yeux de se sublimer. Entre un matériel en demi-teinte et un système d'enchères peu adapté, une impression de non-souffrance sur la gestion des cartes en main, on imagine un tout retravaillé pour un résultat final plus péchu, pouvant permettre à tous types de joueurs de s'y retrouver...
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