Critique de Imperial

Avez-vous déjà rêvé de tirer les ficelles de l’Europe telle qu’elle se présentait à la veille de la première guerre mondiale ? Imperial vous propose d’incarner une compagnie suisse d’investisseurs sans scrupules prêts à mettre le vieux continent à feu.

Matériel

Imperial se présente sous un format inhabituel, c’est-à-dire une grosse boîte plate rectangulaire aux dimensions comparables à celles de nombreux gros jeux, famille à laquelle cet opus appartient bien.

On y trouve un plateau à l’aspect léché et soigné sur lequel se dessine la carte de l’Europe de la fin du XIXème siècle.

Six grandes nations sont représentées : Angleterre, France, Empire Germanique, Russie, Autriche-Hongrie et Italie.

On en a pour son argent tant le matériel est abondant et de bonne qualité, comme en témoignent les pions en bois parfaitement finis.

Le look rétro, très réussi, apporte également un plus et donne vraiment envie de jouer.

Les marqueurs sont larges et agréables à manipuler et le jeu est une réussite esthétique incontestable qui n’a rien à envier aux grosses productions de maisons d’édition plus réputées.

Le texte germanique, légèrement présent sur certaines parties du matériel, ne gène en rien en la clarté du jeu, puisque pas nécessaire pour jouer.

Règles

Les investisseurs devront s’emparer d’actions sur les nations et éventuellement de leur gouvernement s’ils détiennent le plus de part sur celui-ci ; ces actions permettront aux joueurs de toucher des dividendes qui assureront leurs revenus, mais aussi de déterminer les points de victoire reçus en fin de partie selon la progression des nations sur l’échelle des scores. Comme on peut le voir, il est difficile pour le néophyte d’appréhender ce système ingénieux et novateur mais aussi délicat à intégrer: contrôler des nations entières mais pas forcément les mêmes tout du long du jeu, la quantité pouvant varier de aucune à plusieurs et tout cela en tenant compte de la "bourse aux pv" que représentent ces nations.

Le nombre de nations en jeu reste le même quel que soit le nombre de joueurs.

Le tour de jeu consiste en fait à la réalisation d’une action par chaque nation, la nature de celle-ci étant déterminée par le joueur qui contrôle son gouvernement.

Comme à Antike, Mac Gerdts utilise ici le système de "la roue" pour encadrer les actions des nations: un marqueur se déplace autour de celle-ci dans un champ d’une à trois cases (voire plus si le joueur paye de sa poche les cases supplémentaires), ce qui oblige le gouvernement à adapter ses plans en conséquence.

La phase la plus intéressante, qui permet au jeu de toujours être dynamique et vivant, survient lorsqu'un joueur s'arrête sur l'action « investor ». Les joueurs touchent chacun leurs intérêts sur la nation en prenant leur argent dans le trésor de celle-ci (car trésor du joueur et trésor des nations sont deux notions différentes). Un joueur, qui tourne entre chaque phase, a alors la possibilité d'investir dans une nation. Ces investissements ont le triple effet de renflouer les caisses de cette nation, d'augmenter les parts du joueur sur le gouvernement pour éventuellement lui permettre de s'emparer du pays - ce qui n'est pas toujours la meilleure chose à faire - et de lui permettre de toucher plus de dividendes lors de sa prochaine phase d'investissement.

Ce système, très ingénieux, permet ainsi au jeu d'être toujours en mouvement, sans jamais être chaotique.

Les nombreuses conséquences qu'induisent ces investissements demandent à calculer au millimètre chaque action, même si le jeu permet globalement au joueur en retard de se rattraper.

Ainsi, ce qui fait le charme d'Imperial, c'est qu'il ne s'agit pas d'une partie d'échecs qui se gagne grâce aux erreurs de l'adversaire, mais au contraire d'un jeu de bluff et d'instinct qui se gagne grâce à des coups brillants. On peut ne pas commettre d'erreurs et perdre, comme en commettre et remporter la partie grâce à une vista sur certains coups importants.

A Imperial, il faut tenter, il ne faut pas prendre de marge de sécurité. C'est un jeu ouvert, où il faudrait toujours penser à ce que peut devenir le jeu dans quelques tours.

Les gouvernements recrutent des armées, attaquent leurs voisins, construisent des usines et taxent leur pays. Pour les joueurs, il s'agira de détenir le maximum d'intérêts dans les pays ayant le mieux tiré leur épingle du jeu ; en effet, les pays les plus prospères - territorialement et économiquement - auront la possibilité d'avancer sur l'échelle des scores, jusqu'à ce que l'un d'entre eux arrive au bout de cette dernière. Tout le sel du jeu sera donc d'anticiper les possibilités de chaque pays, d'investir sur l'outsider que personne ne voyait venir et qui, en deux tours, clôt la partie.

Si tout est visible, hormis l'argent des joueurs, il faudra en permanence tenir compte de nombreux paramètres et savoir lire la roue pour être capable de voir ce que peuvent devenir certaines nations dans les tours à venir.

Le jeu est fluide et rapide, et la roue y participe grandement. Si la partie peut se révéler extrêmement stratégique, elle n'est jamais complexe et on joue finalement beaucoup à l'instinct.

Durée de vie

la durée de vie d'Imperial semble illimitée. Chaque partie se révèle en effet une histoire différente, qu'on se plaira à commenter bien après son dénouement. Si le hasard est absent, les possibilités d'investissement sont toujours délicates à considérer et il s'avère quasi-impossible de tenter une stratégie prédéfinie. En effet, l'interaction est totale dans ce jeu où l'on ne se contente pas de jouer pour soi, mais aussi contre les autres. Sans compter, bien entendu, sur la diplomatie, qui est toujours une variable incertaine, bien qu'elle ne soit pas l'aspect essentiel du jeu.

Enfin, la diversité qu'apportent les différentes configurations - de deux à six joueurs - permet, s'il en était besoin, d'assurer un renouvèlement continu du jeu.

Le conseil de Jedisjeux

Le jeu semble être plus dynamique avec un faible nombre de joueurs (il se prête bien aux parties à deux mais trois est certainement sa meilleure configuration)tout en se révélant tout aussi riche à plus, perdant en stratégie ce qu'il gagne en diplomatie...

Si, clairement, le jeu est réservé à des joueurs confirmés, il n'est pas non plus improbable de voir parfois quelques joueurs plus occasionnels gouter à Imperial.

Avis de la rédaction

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Imperial est un gros jeu, le type de gros calibre qu'on sort rarement à moins d'avoir trois heures devant soi. Mais qu'il est bon quand on se donne la peine d'assimiler les règles et de dégrossir la bête ! Il y a vraiment de tout dans ce jeu, dont le point fort est que quand on sent que ça va mal avec une nation, on peut tout de suite la laisser tomber pour une autre, ou même s'emparer de son ennemi pour former une alliance inattendue. Mais ne vous y trompez pas : l'essentiel n'est pas de mener à bien une nation, c'est de sentir le bon coup et d'investir là où il faut ; tout est question de flair et de bluff et les choses peuvent très vite changer : une nation peut tout à coup prendre 15 points en deux tours et changer de propriétaire entre temps. Magnifique !
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