Critique de Pirate's Bay

Quand on pense "Sentosphère", on voit débarquer comme un parfum, l'éditeur jouant régulièrement avec nos sens. Mais depuis quelques temps ce dernier, appuyé par son auteur de jeu favori (Victor Lucas), ajoute à sa gamme des jeux certes toujours familiaux mais de plus en plus pour "joueurs".

Pirate's Bay, petit jeu de cartes pour deux joueurs, est de ceux-là.

Il reprend un thème cher à l'éditeur: celui de la piraterie. Ici, il vous faudra amasser plus de trésors que votre concurrent. Mais le jeu lui-même est-il un trésor ou va-t-il se ramasser sous la critique acerbe d'un joueur virulent venu vous mettre en avant le fait qu'il n'avait pas de coffre ?

Amis, oubliez vos parchemins, vos vieilles cartes aux trésors: voici l'ère de l'internet, l'endroit où se trouve la réponse. Voyons ensemble si on sabre facilement du pirate dans le coin...

Matériel

Pirate's Bay se présente sous la forme d'une boîte au format semblable de celles de la gamme "Duo" de l'éditeur Matagot. Pas étonnant, me direz-vous, puisque nous avons affaire ici à un jeu de cartes pour deux joueurs seulement.

La boîte est solide et son illustration de couverture plutôt engageante. Son dos peut sembler pour sa part assez triste avec sa toute petite illustration dévoilant 3 cartes du jeu, l'essentiel de la place étant laissée à l'introduction de la thématique du jeu sous 9 langues différentes.

Agrémenté de jolis pictos, on apprend également en plus du caractère "2 joueurs uniquement" l'âge minimum recommandé, la durée du jeu et le contenu de la boîte.

54 cartes, donc. Oui, mais pas de dame, valet ou roi parmi elles. On aura trois types principaux de cartes: celles à remporter, celles permettant de le faire et celles délimitant où jouer les cartes. Leur taille est légèrement plus petite que celle de cartes classiques mais reste agréable à la manipulation. A l'utilisation, cela s'avèrera un bon choix car il faut "étaler" les cartes sur la table. Résistantes, on pourra reprocher qu'elles ne soient pas toilées mais la manipulation qui en est fait ne devrait pas les user rapidement.

Le termo placé dans la boîte et permettant de ranger les cartes pour ne pas qu'elles s'abiment est en plastique. Tout blanc, il dénote légèrement, mais une fois de plus on restera plutôt indulgent car le produit final est tout de même de qualité et, marque de fabrique de l'éditeur, tout ceci est du pur "made in France".

A côté des cartes, une règle de jeu de 4 pages que nous évoquerons plus loin et un livret listant les jeux de l'éditeur. A titre personnel, et en précisant que je n'ai pas évoqué systématiquement cette présence dans les boîtes de jeux en ayant, je pense que l'impact délivré par un tel fascicule ne vaut pas la dépense occasionnée ni les arbres coupés pour le concevoir. Concernant celui présenté dans Pirate's Bay, ce dernier pouvant se trouver dans les grandes enseignes de jeux et jouets et donc à disposition d'un public moins connaisseur que ceux des boutiques spécialisées, la chose parait plus appropriée.

Chacun fera son avis sur ce point, cette critique n'étant pas un réel lieu à débat.

Un bilan plutôt positif au final pour un jeu au matériel que l'on qualifiera de "bon" et au prix de vente faible en plus d'une conception écologique, puisque "sur place".

Règles

On revient donc sur ces 4 pages de règles.

Simples à prendre en main et très bien expliquées, elles ne sont appuyées que par deux illustrations, amplement suffisantes.

A la lecture, une impression bizarre peut s'installer. On peut se mettre à penser que c'est trop simple, trop bateau, trop évident, que si ça devait marcher, on l'aurait trouvé avant. Et pourtant, ça marche, et plutôt très bien même !

Le jeu réussit à proposer quelque chose d'épuré là où d'autres avaient tenté de façon plus alambiquée et avec moins de réussite (le meilleur du genre, et pourtant à mes yeux plus faible que Pirate's Bay -même s'il a l'avantage de pouvoir être joué jusqu'à 4- se trouvant être "John Silver"). Il a fallu d'une petite idée toute simple pour que l'auteur puisse proposer un jeu d'une rare efficacité.

Que d'éloges me direz-vous ? Et pourtant la note maximale n'est pas atteinte.

Mais cela s'explique par le fait que le jeu n'invente pas la poudre et que la simplicité de la règle empêche probablement d'atteindre des summums ludiques, surtout pour les joueurs les plus aguerris.

Jugez par vous-même: on crée une rangée et une colonne, chacune composée de 6 cartes trésors, dont deux dont on ne connait pas les valeurs (qui peuvent osciller entre les plus basses et les plus faibles du jeu), les autres pouvant varier mais étant visibles. Les joueurs vont ensuite jouer chacune de leurs 18 cartes dans l'un des 36 compartiments ainsi créés. Chaque compartiment pointe vers la carte trésor d'une rangée et celle d'une colonne.

Quand toutes les cartes sont jouées, on compte la valeur de chaque joueur pour chaque rangée et colonne. Pour chaque, celui ayant la plus grande valeur empoche la carte trésor.

Bien entendu, les règles ne s'arrêtent pas là et trois points sont à prendre en compte. Le premier est que les joueurs n'ont continuellement que 4 cartes en main et doivent jongler avec leurs valeurs (comprises entre 1 et 6, à répartitions égales). Le second point est qu'on ne peut jouer une carte que adjacente à une carte trésor ou une carte posée en jeu: chaque pose libère des emplacements et les joueurs doivent faire attention aux nouvelles opportunités qu'ils offrent à leur adversaire. Le troisième point, et le plus important, se situe au niveau du décompte car pour chaque colonne et chaque rangée, on ne tient en compte pour chaque joueur qu'une seule carte de chaque valeur. Mettre ses trois 6 dans la même rangée ou colonne ne serait bien entendu donc pas optimal et il faudra sélectionner les places par anticipation ou jouer autant pour soi que pour faire déjouer son adversaire.

Les parties sont très courtes malgré le fait qu'elles soient jouées en deux manches.

Un astucieux mélange de hasard, tactique, gestion et de prise de risque fait que les choix et la tension réussiront à s'introduire parmi tous ces joyeux flibustiers en quête d'or.

Durée de vie

Petite crainte sur le point de la durée de vie du jeu même si j'avoue ne pas avoir aligner assez de parties pour la valider.

Pirate's Bay est certes simple, comme évoqué précédemment, mais il a pour autant une réelle courbe d'apprentissage.

Cela dit, à part l'arrivée aléatoire de ses cartes et la prise de risque des cartes trésors restées face cachée, rien n'empêchera une partie de ressembler à une autre, pas même la pose aléatoire en début de partie des cartes trésors, un rapide coup d'œil suffisant à voir où se trouvent les places les plus intéressantes et les moins lucratives.

C'est ce changement au fil des parties, très léger, qui permet de douter du jeu sur le long terme.

Mais il faudra l'user avant de ne plus en avoir envie (à l'heure actuelle, ça n'est toujours pas le cas pour moi) et la rapidité des parties permet d'enchaîner ces dernières au besoin.

C'est d'ailleurs ce qu'il devrait se passer, car le goût de reviens-y est bel et bien présent. La revanche appellera parfois la belle et les trésors "face cachée" viendront ajouter de l'ambiance à l'ensemble. Car le jeu est familial, rappelons-le. Sa prise en main aisée et ses durées courtes valident son affiliation à ce type de joueurs et le jeu ne devrait pas croupir au fond d'un tiroir.

Loin d'être dénué de stratégie, les joueurs aimant un jeu plus léger avant d'en sortir un plus conséquent, ou cherchant un jeu à courte durée pour combler quelques minutes devraient également trouver en ce jeu une réponse à leur besoin.

Au final, une note tout de même sévère, vu le positif de l'ensemble et le caractère hypothétique du problème soulevé.

Avis de la rédaction

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Pirate's Bay est un jeu très agréable à jouer. Parties rapides, règles vite assimilées, envie d'y revenir: il a tout pour plaire. Capable de séduire un large public de joueurs et provoquant de vrais sentiments ludiques, il serait dommage qu'on passe à côté, ce qui pourrait arriver du fait qu'il ne correspond pas à l'image (finalement erronée vue la production ludique actuelle) que l'on se fait de l'éditeur, Sentosphère. Faites donc fis de tout ça si le jeu vous tente. Vous donnerez ainsi raison à une maison d'édition qui petit à petit fait découvrir un univers ludique nouveau aux personnes ne connaissant pas les boutiques spécialisées (ou n'y entrant pas, tout simplement). Et en plus, c'est 100% français !
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