Critique de Troyes

Tiens, c'est marrant ce jeu, il me fait penser à ma cousine Dolorès Boutboule, qui habite Troyes dans l'Aube. En plus il évoque plein de personnages qui ont compté pour la ville et ma cousine, bah elle veut faire actrice, elle aurait très bien pu jouer Crétin de Troyes ou même Hugues Delattes (euh, je voulais dire Hugues de Payns).

Parce que ma cousine, c'est une perle comme actrice, comme la maison d'édition de Troyes, quoi : Pearl Games.

Dites, puisque Troyes sera au festival de Cannes (c'est dans l'Aube, Cannes ?) , elle peut venir ma cousine au festival de Cannes ?

Non, parce que ma cousine Dolores Boudboule, c'est une superbe actrice vous savez...

Matériel

Troyes se présente sous la forme d'une grosse boîte rectangulaire semblable à la majorité des jeux de même gabarit (soit des jeux aux durées de deux heures et qui demandent un peu de réflexion, tout de même).

Si sa tranche n'évoque pas celle d'un livre de façon aussi directe que la collection initiée par QWG et illustrée par Myke Doyle, on sent que Alexandre Roche a voulu donner une impression d'ancienne reliure ou un style nous amenant directement dans l'époque mise en avant par la thématique. Puisque le dos de la boîte est exempt de tout reproche, on passe rapidement au contenu, laissant de côté pour le moment les règles du jeu, même si on pourra noter que l'aspect historique est une fois de plus soutenu par les six personnages spéciaux, l'éditeur ayant mis en avant la partie de leur vie les reliant à la ville de Troyes.

Pour découvrir le reste du matériel, il faudra au préalable retirer le plateau de jeu, qui une fois déplié fait quatre fois la taille de la boîte. On y retrouve le même style graphique que celui du contenant. Ça change, et c'est tellement différent de ceux que l'on a le plus souvent, qu'il se remarque forcément. Que vous aimez ou au contraire n'appréciez pas ce style, vous n'en serez forcément pas indifférent. Le dessin peut sembler chargé, mais pourtant le plateau est très lisible et on se repère aisément durant la partie une fois qu'on a saisi la totalité des pictos utilisés dans le jeu.

Car pictos il y a. Ces derniers ne sont pas en surabondance, fort heureusement. Ils permettent aux cartes du jeu de ne pas avoir de texte, ce qui n'est pas plus mal. Ces dernières étant toutes jouées face révélées aux joueurs, la moindre difficulté de lecture serait de toute façon résolue, d'autant plus que chaque carte est expliquée de façon précise, au cas par cas, sur une feuille isolée du livret de règles, histoire de ne pas avoir à feuilleter les pages de ce dernier pour tomber dessus.

Pour un premier jeu de l'éditeur, tout est soigné et réussi, fort prometteur.

De plus, la quantité de matériel est colossale : des meeples en quantités, des disques en bois, des jetons en cartons faisant office de deniers ou de points de victoire, des cubes et des dés.

Oui : des cubes et des dés, ou de quoi se demander s'il s'agit d'un jeu "à l'européenne" ou "à l'américaine". Mais même si les dés sont au nombre de 24, tout le reste du matériel, sans figurine en plastique, donne tout de même une bonne idée de la réponse.

De plus, la lecture des règles ne va tarder à éclaircir tout ça.

Pour ce qui est de la note finale donnée à cette rubrique, elle aurait pu atteindre le parfait et le mérite sûrement, tant il est difficile de trouver à redire. J'avoue que mon appréciation personnelle sur le style graphique a joué un peu, trouvant le plateau de jeu un peu austère. Mais certains se réjouiront d'un tel dessin, sortant des sentiers battus.

Règles

Rassurez-vous : les 24 pages du livret de règles ne seront pas toutes à lire. Trois langues étant proposées, seules huit pages seront nécessaires. La première vous met dans l'ambiance et énumère le matériel, c'est donc sur 7 pages que les mécanismes du jeu sont expliquées (enfin, si on fait fi de la page annexe faisant office d'aide de jeu pour les cartes).

Les autres pages prennent le temps de bien expliquer, tout en illustrant les propos. Mais le jeu est riche, et vous pourriez avoir l'impression de ne pas tout saisir, de rater quelque chose, de ne pas comprendre les tenants et les aboutissants. Si c'est le cas, inutile de vous faire du mouron : le premier tour de jeu répondra à toutes vos attentes.

Concrètement, vous débutez avec une carte spéciale, gardée secrète des autres joueurs et qui vous révèle un des décomptes de fin de partie qui aura lieu pour TOUS LES JOUEURS. A vous d'en tenir compte et de décrypter la façon de jouer des autres pour deviner les autres décomptes de fin de partie.

Une fois cette carte et le reste de vos ressources de départ à portée de main, vous allez tous placer un nombre d'habitants sur le plateau, ce nombre variant selon le nombre de joueurs participant à la partie. A vous de vous placer selon vos envies, mais peut-être en tenant compte de votre carte secrète, et le tout en essayant d'avoir un départ pertinent et pas trop révélateur.

Lors des trois premiers tours vont apparaître trois nouvelles cartes, soit 9 en tout sur 27 possibles. Ces cartes offrent aux joueurs qui parviennent à les recruter (on recrute en fait les personnes, ou corps de métier qu'elles représentent) des avantages qu'il faudra activer.

Apparaissent également des cartes évènements qui viendront embêter nos amis joueurs à la fin du tour (et des éventuels suivants) si elles n'ont pas été détruites.

Les joueurs obtiennent à chaque tour des dés, dont le nombre et la quantité varient selon les emplacements de leurs habitants (vous savez, ceux qu'ils ont joué en début de partie), emplacements qui ne resteront pas figés durant la partie : il faudra se battre pour garder sa place tout autant que pour prendre celle d'un autre joueur (cela vous coûtera l'utilisation de dés).

Après avoir lancer leurs dés, ils vont pouvoir à tour de rôle choisir une action, jusqu'à ce que chacun ait passé.

Les dés d'une couleur permettent de recruter un personnage de la même couleur, pour peu que le joueur ait encore une place de disponible pour cela et l'argent nécessaire pour la carte. Ils permettent aussi d'activer ses cartes, la plupart du temps, c'est en ajoutant la valeur des dés et en divisant par un chiffre donnée par la carte qu'on apprend combien de fois la capacité de la carte est enclenchée.

La carte "archer", présentée ici, vous demande d'additionner le résultat des dés rouges que vous lui consacrez et de le diviser par deux. Le résultat obtenu vous dit combien de fois vous pourrez placer un cube sur une carte évènement après un lancé de dé réussi (chaque tentative sera réussie si le lancé associé a un résultat de 3 au moins). Bien entendu, il faudra avoir recruté l'archer au préalable (ici, il coute 6 deniers et rapporte 2 PV en fin de partie au premier joueur l'ayant recruté, et 1 PV au second).

Chacune des trois couleurs de dés a une fonction particulière. Ainsi vous pourrez dépenser les dés jaunes pour récupérer de l'argent, les rouges pour combattre les évènements et les blancs pour bâtir à la cathédrale. Chacune des deux dernières activités rapporte des PV durant la partie, et peut en apporter en plus lors des décomptes finaux (tout comme l'argent possédé).

Comme vous le voyez, il y a plusieurs façons d'utiliser les dés. De plus, vous pouvez acheter ceux des autres joueurs, qui n'ont pas d'autres choix que d'accepter. Cependant, plus vous en achetez lors de votre tour et plus la dépense s'avèrera coûteuse. A vous de flairer les bons coups sans être trop gourmand et de gêner les autres joueurs en prenant les dés qu'ils voulaient. Parfois, vos "attaques" pourront même vous servir de "défense", en empêchant un joueur de déloger un de vos habitants en utilisant le dé qu'il convoitait pour une autre action.

Mais peut-être trouvez-vous l'emploi de dés ennuyant dans un tel jeu ?

Ok, pas de problème : les points d'influence permettent de remédier à ça. Avec eux, vous allez pouvoir relancer les dés, voire même changer leur face. Ces points se gagnent via certaines cartes de personnes ou en faisant la guerre et peuvent rapporter des PV en fin de partie si le personnage spécial qui s'y rapporte est dans les mains d'un joueur.

Je vous passe encore quelques mécanismes bien sympas et ne précise pas plus pour le reste : vous devriez avoir là déjà une bonne idée de ce qui vous attend.

Le jeu est très riche, voir complexe (malgré l'emploi des dés, ne vous y trompez pas : ce jeu ne boxe pas dans la catégorie de Yspahan, par exemple) et l'interaction présente. Ne croyez pas pouvoir jouer dans votre coin : on viendra vous embêter. Pour autant, il ne semble pas qu'on puisse perdre des suites d'un acharnement duquel on ne pourrait pas se relever : ne pas avoir ses propres dés lors de son tour, même si c'est mauvais, ne sous-entend pas que la partie est perdue, surtout si vos finances vont bien.

Un emploi des dés novateur, pas mal de possibilités et un jeu un peu méchant où on n'attend pas son tour sans se soucier des actions adverses : les règles de ce jeu ont tout pour plaire.

Durée de vie

Troyes est un gros jeu, un de ces jeux que l'on peut rentrer dans la catégorie "pour joueurs".

Il ne faut pas s'y tromper.

Le jeu semble riche de possibilité et interactif.

Le fait de proposer 9 cartes "activité" par partie, sur 27 possibles donne un nombre de possibilités de parties différentes assez incroyable. si à ceci on ajoute l'arrivée des cartes évènements qui change et les cartes personnages qui octroient des décomptes de fin de partie variables, on se rend compte qu'au delà des résultats que les dés fourniront, le renouvèlement des parties est assuré.

De plus, quand un jeu permet de varier de par ses cartes, cela implique une facilité d'ajouts au jeu, sous forme de quelques cartes supplémentaires (une sera offerte lors du festival de Cannes 2011) ou d'extensions futures.

On ne sortira pas le jeu à chaque soirée et on n'enchainera pas les parties l'une sur l'autre, du fait de sa durée.

Tout cela ajouté donne à Troyes le privilège de pouvoir trôné au sein des très bons jeux qui prennent du temps à vieillir, et qui, quand ils vieillissent, le font en se bonifiant...

Avis de la rédaction

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A la limite de l'excellence, Troyes est à mes yeux un très bon jeu qui a le mérite de proposer pas mal de choses différentes. De nouveau, un jeu réussit la prouesse de surprendre les joueurs par un emploi astucieux de simples dés à six faces. Seuls les puristes (et encore, ceux qui n'auront pas essayé) s'éloigneront de ce jeu pour cette raison. Les joueurs ayant apprécié Yspahan, Kingsburg ou encore L'Age de pierre devront eux se rendre compte que Troyes est bien plus exigeant. Mais pour peu qu'on s'y exerce, il devrait s'ajouter à ses titres pour figurer au palmarès des meilleurs jeux de plateaux "à l'allemande" utilisant des dés. Une réussite qui mérite amplement sa seconde place lors du salon d'Essen 2010.
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J'aimerai mettre un bémol aux avis dithyrambiques sur ce très bon jeu qu'est Troyes. En effet, j'ai un mal fou à expliquer les règles de ce jeu, et pour cause, il y en a beaucoup et ce n'est pas forcément logique. De plus, je trouve que ce jeu ne tiens pas ses promesses à 4 joueurs. Il devient très long, avec l'impossibilité de prévoir ses coups à l'avance, ce qui rallonge d'autant plus la durée du jeu. A 3 joueurs, ce jeu est cependant exceptionnel. Autant à 4, il s'agit plus d'un jeu d'opportuniste un peu poussif, Autant à 3, tout change ! On se retrouve avec un jeu très fluide, où il est possible de prévoir 2-3 coups à l'avance, on joue en fonction du jeu de l'adversaire et on en apprend à chaque partie... Bref tout ce que j'aime. Réussir à intégrer le dé comme mécanisme central d'un jeu stratégique est une prouesse qui force le plus grand respect aux auteurs. Pearl Games commence comme Ystari avec Ys, avec une autoédition réglée comme du papier à musique. Tout le mal que je souhaite à Sébastien Roche, c'est de devenir un grand nom du jeu de société, et c'est bien parti !
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